Le trophée du Grand Prix du Canada produit par intelligence artificielle: «On vient tuer la créativité humaine», déplore un artisan local


Stéphane Cadorette
L’intelligence artificielle est de plus en plus présente dans la vie de tous les jours et le sport n’y fait pas exception. La preuve, c’est que le gagnant du Grand Prix du Canada, dimanche, à Montréal, soulèvera un trophée inspiré par cette technologie.
Avec son commanditaire Amazon Web Services, la F1 présentera pour une première fois un trophée créé par l’intelligence artificielle générative via la plateforme Bedrock.
Le communiqué officiel de la F1 indique que des centaines d’esquisses ont été produites en quelques secondes en fonction de différentes requêtes. Impossible de savoir à quoi ressemblera le précieux objet, qui sera dévoilé au grand public quand les pilotes auront croisé le fil d’arrivée.
Une proposition 2D du trophée a d’abord été réalisée avant d’être remise entre les mains d’un concepteur 3D spécialisé dans la conception par ordinateur.
Une impression en 3D d’une forme en résine de grandeur nature a ensuite été traitée par un orfèvre britannique, qui y a ajouté une couche d’argent sterling en plus de travailler la forme finale à la main.
La F1 a fait savoir que le trophée aurait une saveur locale avec la feuille d’érable et le fleuve Saint-Laurent «qui coule à sa base».
Dommage pour les artisans locaux

Depuis 2010, Jean-Philippe Caron, de l’entreprise Protocole – Trophées d’exception, de Saint-Lambert, a été l’artisan derrière cinq trophées du Grand Prix du Canada.
Il a notamment conçu celui de l’an dernier et, même s’il comprend l’initiative de la F1, il trouve dommage que le talent local soit laissé de côté.
«Je comprends très bien l’utilité de la technologie dans le processus, mais on vient tuer la créativité humaine au profit de l’intelligence artificielle», déplore-t-il.
Un procédé complexe
Bien que l’intelligence artificielle ait permis de générer plusieurs esquisses, de nombreux essais ont été nécessaires parce qu’il fallait respecter des critères en matière de poids et de fabrication.
«On voit que l’intelligence artificielle a ses limites pour comprendre et fabriquer un trophée. Que la F1 choisisse d’aller là, je peux le comprendre et je respecte la décision, mais on aurait pu collaborer au final pour que le trophée soit fabriqué à Montréal. Ma crainte, c’est qu’on se retrouve avec un trophée en résine chromé et qui pourrait donc être très fragile, à mon avis», soulève-t-il.
Jean-Philippe Caron n’associe cependant pas forcément cette nouvelle à la fin de l’implication des artisans locaux.
«Ultimement, l’intelligence artificielle a créé quelque chose que l’humain a vu et a dû modifier. On reste dans le flou par rapport à qui est le véritable propriétaire de l’œuvre», souligne-t-il.
Pour sa part, Emily Prazer, directrice commerciale de la F1, a évoqué le besoin d’utiliser «les technologies émergentes pour améliorer le produit sur piste pour les compétiteurs et l’expérience hors-piste pour les partisans.»