Le travailleur mexicain décédé dans un accident d’auto rêvait d’une vie meilleure pour ses filles
Il était en route pour une longue journée de travail lorsque le chauffeur qui le reconduisait a fait une embardée

Nora T. Lamontagne et Erika Aubin
Avant de perdre la vie dans un violent accident de voiture, José Guadalupe Briano Esparza endurait des conditions de vie et de travail ingrates au Québec dans l’espoir d’offrir à ses fillettes une maison où grandir.
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«Parfois il m’appelait en pleurant, il était déprimé. Je lui disais de rentrer à la maison. Il me répondait toujours “Non, je dois rester ici, je dois donner une maison à mes filles”», raconte sa veuve, Anahí Díaz de León Torres, au bout du fil au Mexique.
Père «très affectueux», il appelait systématiquement Paula Elizabeth, 7 ans, et Karol Naomi, 10 ans, à sa pause du matin pour leur rappeler de s’appliquer à l’école. Il avait aussi une fillette issue d’une autre union.

S’il était au Québec, c’était bien pour elles.
Conditions déplorables
Arrivé à Montréal comme touriste en septembre dernier, José y est d’abord resté quelques semaines après avoir demandé l’asile.
Son permis de travail se faisant attendre, l’homme de 29 ans a décidé de plier bagage pour la campagne. À Saint-Jude, un homme du nom de Jean Lemay cherchait de la main-d’œuvre, lui avait-on dit.
Peu regardant sur le statut d’emploi, le producteur agricole banni à vie du programme de recrutement de travailleurs étrangers serait aujourd'hui gestionnaire d'une agence de placement de personnel, selon les informations de notre Bureau d'enquête.
C’est ainsi que José s’est retrouvé avec une quinzaine de travailleurs dans une petite maison bancale appartenant à Lemay, au cœur du village.

Deux lits à étage par chambre, quatre hommes exténués qui tentaient d’y dormir chaque soir. Des douches souvent glaciales par manque d’eau chaude. Et des punaises de lit, aussi.
«Ils les faisaient vivre dans des conditions vraiment déplorables pour un pays comme le Canada», laisse tomber Anahí Díaz de León Torres. L’un des seuls plaisirs de son époux était d’aller marcher dans la campagne environnante après le souper, quand il lui restait des forces.

Trajet fatal
Le matin de l’accident, José s’est réveillé aux aurores pour se rendre au boulot. En ce mardi frisquet de juin, le chauffeur d’une petite camionnette grise l’attendait à la porte. Après quelques semaines, José commençait à s’habituer à cette routine.
La route entre Saint-Jude et Sainte-Hélène-de-Bagot ne prenait que 30 minutes. Une demi-heure à traverser les champs de la Montérégie semés par tant de ses compatriotes.
Soudeur de formation, José était plutôt employé par une agence de placement comme homme à tout faire chez Coffrages DF, un entrepreneur général en béton et en structures.
Mais ce matin-là, il n’est jamais arrivé au travail. Le conducteur – qui n’avait pas de permis valide – a percuté un arbre, tuant le ressortissant mexicain qui prenait place sur la banquette arrière.

Le chauffeur s’en est sorti avec des blessures mineures. La SQ enquête encore sur les circonstances de l’accident.
Un manque d’humanité
Sans nouvelles de lui alors qu’ils étaient en contact quasi constant, Anahí Díaz de León Torres a mis plusieurs jours à retracer le fil des événements à partir de Villa Garcia, au Mexique.
«J’ai commencé à m’inquiéter, à poser des questions à ses colocataires», se remémore-t-elle. C’est Le Journal qui lui a finalement appris dans quelles circonstances son mari avait perdu la vie.
«Son boss [Jean Lemay] ne nous a même pas appelés. C’est un manque d’humanité», lâche-t-elle amèrement.
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