Tramway: l'explosion des coûts place Savard sur la défensive
Ses adversaires déplorent l’« absence de transparence » de l’administration sortante

Stéphanie Martin et Dominique Lelièvre
Les adversaires de Marie-Josée Savard ont une fois de plus tapé sur le clou de l’«absence de transparence» dont fait preuve, selon eux, l’administration municipale sortante, après les révélations du Journal au sujet de la facture du projet de tramway de Québec, qui frôle maintenant les 4 milliards de dollars.
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«Ce que je comprends, c’est que M. [François] Bonnardel, [ministre des Transports] n’était pas très content ce matin. Pour moi, c’est un indicateur sûr qu’il y a dépassement de coûts. Encore là, absence de transparence de cette administration, et ils ne s’en rendent pas compte. On dirait qu’ils ne voient pas l’impact négatif que cela a sur l’acceptabilité sociale de ce projet» a dénoncé Jean Rousseau, chef de Démocratie Québec, jeudi.
«La porteuse du dossier a décidé de faire ça en catimini», a critiqué Bruno Marchand de Québec forte et fière en référence à Mme Savard, qui est membre de l’administration sortante.
Jean-François Gosselin a parlé de «cachotteries». «C'est très, très grave qu’on doive apprendre cette information-là, une explosion de coûts de 600 millions de dollars, dans le Journal, à quelques jours du vote. C'est des cachotteries et un gros manque de transparence.»
M. Gosselin convient que ces évaluations à la hausse en raison d’une surchauffe dans la construction, par exemple, affectent tous les projets. Talonné sur son propre projet de métro léger, qu’il estime à 2,9 milliards de dollars, il assure cependant que le projet demeurera dans les coûts et qu’il faudra «faire des choix». Il n’a pas voulu préciser s’il couperait dans le tracé ou dans les stations. Sur le troisième lien et la possibilité que la surchauffe l’affecte également, il n’a pas voulu s’engager sur ce terrain.
Mme Savard s’est vivement défendue d’avoir voulu cacher quoi que ce soit à la population, disant n’avoir elle-même «jamais vu ce chiffre-là». «Ça fait partie des discussions en continu entre le bureau de projet et le ministère», a-t-elle expliqué.
Autre mode?
«Je crois au tramway», a tenu à préciser Bruno Marchand, en point de presse, affirmant que dans le transport collectif, on ne peut pas conserver le statu quo.

Mais selon lui, le projet ne doit pas se faire à n'importe quel prix. «Pas au prix de la perte de confiance des citoyens, pas au prix de l'absence de transparence. Il n'y a pas juste le prix financier. Il y a l'échéancier et la capacité de livrer un projet. [...] Aujourd'hui, je ne peux pas vous dire “on va aller de l'avant coûte que coûte avec ce projet même s'il coûte 5 milliards ou 6 milliards de dollars”.»
M. Marchand affirme que s'il est élu maire, il «mettra de l'ordre dans ce dossier-là» et consultera la population. Il a brièvement ouvert la porte à l'étude d'autres modes au détour d'une question. «Comment on fera cette consultation-là? Est-ce qu'on mettra différents modes en opposition? On verra.»
Dans un communiqué émis quelques minutes plus tard, il l'a refermée à double tour. «Bien conscient que de s’ouvrir à un nouveau mode de transport pourrait engendrer des coûts et des délais supplémentaires, le chef de Québec Forte et Fière réitère sa confiance au tramway et aux études du bureau de projet.»
QFF veut voir l'état des lieux et promet de mettre les citoyens dans le coup. «C'est pas vrai que ce projet va se décider sans la population.» Il convient que ces consultations engendreront aussi des coûts, mais promet de les limiter.
Savard va se «battre jusqu’au bout»
Les candidats à la mairie réagissaient à l'information dévoilée dans Le Journal et confirmée jeudi par le ministre des Transports, François Bonnardel, à l'effet que le projet de tramway de Québec connaît une hausse des coûts de 600 millions de dollars en raison de l’inflation, des imprévus, de la hausse des coûts d’acquisitions et du retard causé par la reprise du processus d’approvisionnement.
Mme Savard a promis de se «battre jusqu’au bout pour ce projet-là [de tramway]» qui est le bon, selon elle, pour Québec.
La dauphine de Régis Labeaume a rappelé que les coûts réels du tramway ne pourront être évalués que lorsque les soumissions des firmes intéressées auront été reçues, ce qui lui fait dire qu’«au moment où on se parle, il n’y a pas de dépassement de coûts. C’est de la spéculation.»
Tous les grands projets, pas juste celui-ci, sont exposés à la surchauffe dans le domaine de la construction et à l’inflation, a-t-elle soulevé.
Elle a prévenu qu’une remise en question du projet allait forcément entraîner des délais supplémentaires.
«Depuis le début, contrairement à M. Marchand, j’y crois à ce projet-là. Je ne fais pas semblant d’y croire pour une campagne électorale», a martelé Mme Savard lors d’une conférence de presse.
«Je constate qu’il y a de l’intérêt de la part du gouvernement pour l’élection municipale», a-t-elle glissé, d’autre part, au sujet des fuites sur les coûts du tramway et son insertion sur René-Lévesque qui ont fait la manchette dernièrement.
«Nous autres à la Ville de Québec, au bureau de projet, on est étanches.»
«Ahurissant» dit Rousseau
De son côté, Jean Rousseau a qualifié de «complètement ahurissant[e]» la nouvelle.
À son avis, il serait «incompréhensible» et «inacceptable» que la Ville essuie le tiers des dépassements de coûts, comme le prévoit une entente avec le gouvernement. «Ce n’est pas vrai que la ville peut en mettre plus.»
Il demande au gouvernement provincial d’assumer les frais de la portion souterraine du tramway et d’inclure ceux-ci dans la facture du 3e lien, qui devrait être consacré à un métro sous-fluvial selon lui. Il pense que des économies d’échelle sont possibles en combinant les deux infrastructures.
«Il faut que le gouvernement du Québec participe, contribue davantage, comme on le voit à Montréal [avec le REM]», tranche-t-il.
Si le gouvernement s’avère intraitable concernant le respect de l’enveloppe budgétaire, il n’est pas fermé à l’idée de réduire la portée du tramway. «S’il faut revoir la portée du parcours, on n’aura pas le choix parce qu’on n’a pas les moyens d’investir plus».
Jackie Smith, chef de Transition Québec, estime pour sa part qu’il y a un «deux poids, deux mesures» au gouvernement du Québec, car celui-ci est prêt à investir jusqu’à 10 milliards dans le 3e lien. «On est prêts à se battre pour le tramway. On pense que c’est un bon projet.»
Ce que les candidats à la mairie ont dit:
« Au moment où on se parle, il n’y a pas de dépassements de coûts. C’est de la spéculation. »
–Marie-Josée Savard
« Si l’hypothèse est vraie qu’elle ne le savait pas, c’est inquiétant parce qu’elle aspire à diriger la Ville de Québec. Est-ce que ça va toujours être comme ça ? »
–Jean-François Gosselin, au sujet de Mme Savard
« Le tramway, j’y crois, mais pas à n’importe quel prix, mais surtout pas aux dépens de la population. L’administration en place a failli à sa tâche de rallier les citoyens. »
–Bruno Marchand
« S’il faut revoir la portée du parcours, on n’aura pas le choix parce qu’on n’a pas les moyens d’investir plus. »
–Jean Rousseau