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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Après l’office, le tiraillement des fidèles russes face à la guerre en Ukraine

AFP
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2022-02-27T17:19:11Z
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Tous sont venus allumer des cierges pour la paix. Mais les fidèles présents dimanche au monastère de la nouvelle Jérusalem, près de Moscou, sont divisés : l’invasion de l’Ukraine sur ordre de Vladimir Poutine est-elle justifiée ? 

Sous le froid soleil de février, les bulbes dorés brillent et les toits turquoise de l’ensemble religieux resplendissent. Mais les visages des croyants sont, eux, fermés. Tous ont la guerre en tête, celle qui se déroule depuis quatre jours chez leur voisin et frère chrétien-orthodoxe.

«On ne pense qu’à ça ! Et nous prions pour qu’il n’y ait pas de victimes», s’exclame Alexandre Pivovarov, un cadre moscovite de 51 ans. Puis, montrant ses enfants de 12 et 14 ans : «Que puis-je leur dire ? On ne peut que s’en remettre à Dieu».

Andreï Zaïtsev, un missionnaire de 38 ans à la barbe blonde, parle à toute vitesse. 

Il ne comprend pas comment son pays a pu envahir le voisin, un point de vue en contradiction avec la ligne du Patriarche des orthodoxes russes, Kirill, qui dimanche à la cathédrale du Christ sauveur de Moscou a qualifié les adversaires ukrainiens de la Russie de «forces du mal». 

«Déçu»

«Je suis simplement déçu qu’un type intelligent comme (Poutine), en qui j’ai l’habitude d’avoir confiance, ait pu commencer cette guerre», confie M. Zaïtsev après la messe au monastère.

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«Je connais des gens au Kremlin, il y a des gens croyants, des gens très bien là-bas, ils m’assurent qu’il n’y avait pas le choix (...) Peut-être que sans guerre, cela aurait été pire ?», dit-il, essayant de se rassurer.

Inna Filippova, une professeure d’anglais de 49 ans venue avec son fils adolescent, est catastrophée, car elle croyait que l’armée russe allait se contenter d’«apporter la paix» aux territoires séparatistes prorusses de l’est de l’Ukraine, en guerre avec Kiev depuis huit ans.

Elle craint aussi les répercussions des sanctions occidentales : «La fin des voyages», «la chute du niveau de vie», «l’accès aux médicaments importés».

Dmitri Spiridonov est un ancien militaire, vétéran de la guerre de Tchétchénie. Pour lui, aucun doute : Moscou est dans son droit, du fait de la guerre qui depuis 2014 oppose séparatistes et forces ukrainiennes dans les régions de Donetsk et Lougansk, et que M. Poutine qualifie de «génocide».

«Il faut se débarrasser de ces nationalistes (ukrainiens) et tout régler», proclame l’ancien sergent-chef, assurant, en reprenant le discours officiel, que l’armée russe «agit avec précaution pour éviter la moindre victime» civile.

«On n’est pas venu en Ukraine pour combattre, mais pour mettre fin à une guerre», assène-t-il. 

«Pourquoi ?»

Deux Ukrainiennes, qui ont émigré en Russie pour travailler, sont là aussi, l’une de l’ouest ukraïnophile et l’autre de l’est russophile. Elles sont amies, mais pas du même camp. 

Tatiana Begoune 54 ans, pâle, et les traits tirés, peine à contrôler ses émotions. «Pourquoi déployer des chars ? Ma fille dort dans une cave glacée avec un enfant de 10 mois...»

Son amie, Anna Prikhodko, originaire de Donetsk l’interrompt. «Pourquoi ne sont-ils pas venus plus tôt ?» lâche-t-elle. Il faut chasser ces nazis (le pouvoir ukrainien, NDLR), ce sont eux qui ont amené la guerre !»

Le père Feofilakt du monastère de la nouvelle Jérusalem n’a pas fait mention de l’Ukraine dans son sermon, entièrement consacré au «jugement dernier», à une semaine du carême orthodoxe.

L’Église orthodoxe et le patriarche sont des piliers du système mis en place par Vladimir Poutine. Kirill n’hésite pas à justifier la répression policière des manifestations d’opposition ou à bénir les armes et les guerres de Moscou à l’étranger. En 2012, il a qualifié M. Poutine de «miracle de Dieu».

Pour justifier la guerre, déclenchée jeudi, il invoque «l’unité» de l’Église orthodoxe russe avec les pays issus de la Rus', un État médiéval qui est considéré comme l’ancêtre de la Russie, de l’Ukraine et du Bélarus.

«Nous devons tout faire pour préserver la paix entre nos peuples et en même temps protéger notre patrie historique commune de toutes ces actions de l’extérieur qui peuvent détruire cette unité», a-t-il dit dimanche à Moscou.

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