Le temps est venu d’abolir la SAAQ... et de s’inspirer du modèle en France et ailleurs


Francis Gosselin
Le triste spectacle qu’est devenu le dossier de la SAAQ ne peut plus durer. Cet éléphant blanc, hérité d’une autre époque, est arrivé en fin de vie utile.
En 2016, la dramaturge Christine Beaulieu a écrit la pièce J’aime Hydro. Il n’y a pas d’équivalent pour la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Personne n’aime la SAAQ. C’est un mal nécessaire, inefficace, pensé pour une société industrielle, prénumérique, préexpérience client.
Deux fois dans les dernières semaines, j’ai pu le constater: même les employés de la SAAQ détestent ce qu’est devenu l’organisme. Les systèmes ne fonctionnent pas. Le travail est aliénant. Les dirigeants sont déconnectés.
Aucune modernisation numérique, pensée par des technocrates et leurs amis consultants, ne va sauver ce Titanic du naufrage.
La machine à bouffer du papier
La SAAQ ne produit rien sinon du papier et des autorisations. La SAAQ, c’est 5000 employés occupés, en majorité, à délivrer le laissez-passer A38.
Cela coûte, année après année, des centaines de millions de dollars aux contribuables québécois.
L’exemple le plus absurde de cette inutilité viscérale est le système de permis de conduire. Chaque année, il faut payer – à ma fête! – un petit 100$ pour «renouveler mon permis».
Il est difficile pour moi d’imaginer une perte de temps plus monumentale pour une société d’État que d’envoyer 5,6 millions de petites lettres aux Québécois, de leur demander de se connecter quelque part, puis de traiter 5,6 millions de transactions bancaires, pour acquitter une somme aussi insignifiante.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Un autre monde est possible
En France, lorsqu’on veut obtenir le permis, on paie une somme fixe, une fois, au début, et on a le permis (et la paix!) pour toute la vie ensuite. Cela est combiné aux cours de conduite obligatoires, et coûte environ 2000$. Puis, pour les 50 (ou 100!) années de vie qu’il vous reste, vous n’avez plus jamais à vous préoccuper du fait que votre gouvernement se fait arnaquer par des consultants. Imaginez les milliards d’heures de vie ainsi économisées par nos cousins d’outre-mer. Imaginez les milliards de dollars.
En Allemagne, l’immatriculation est payée une fois, au moment de l’achat du véhicule. Cela évite, comme nous l’avons vu récemment, que l’immatriculation devienne un plat de bonbons fiscal, dans lequel on peut piger sans vergogne pour financer n’importe quoi.
La SAAQ, c’est la pointe émergée de l’iceberg de notre manque d’imagination collective.
Indemniser les victimes
Comme son nom l’indique, la SAAQ compense les pertes financières résultant de dommages corporels lors d’accidents de la route. Lors de la création de la SAAQ en 1978, le Québec a opté pour un régime sans égard à la responsabilité, le no fault.
L’idée n’est pas mauvaise.
Mais pourquoi créer une énième bureaucratie plutôt que d’adopter une loi obligeant les assureurs privés à appliquer ce principe? Un régime de responsabilité civile étendu, comme c’est le cas aux États-Unis, en Australie, au Japon et en Suisse, serait nettement plus efficace.
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Un feu de joie nourri à l’argent public
Entendre cette semaine l’ancien président du CA de la SAAQ, Guy Morneau, expliquer sans broncher que 300 M$ n’allaient pas «arrêter la Terre de tourner» aura été le clou dans le cercueil en ce qui me concerne.
Cet organisme a complètement perdu sa boussole.
Aucune commission Gallant ne pourra amputer la gangrène qui affecte la SAAQ. Sur le plan de la culture organisationnelle, le patient est en situation de mort clinique. Ce post mortem, ce n’est pas celui du projet CASA. C’est celui de la SAAQ.
Vous voulez simplifier l’État? Économiser des centaines de millions de dollars?
Le temps est venu d’abolir la SAAQ.