Le suspect était armé pour faire un carnage
Antoine Lacroix, Camille Payant, Jean-Louis Fortin, Bureau d'enquête
Le suspect qui aurait abattu trois innocents en 24 heures était équipé d’une arme à feu modifiée et commandée en pièce détachée, en plus d’avoir en sa possession de nombreuses munitions et un chargeur haute capacité.
« Il aurait pu faire un solide carnage et il n’était pas près de manquer de munitions », s’est inquiétée une source bien au fait du dossier.
Abdulla Shaikh aurait fabriqué son arme semi-automatique à partir de divers morceaux obtenus en ligne, toujours selon cette même source. Il avait également une quantité impressionnante de munitions en sa possession.

Il est d’ailleurs écarté que l’arme à feu que le suspect de 26 ans avait en sa possession lorsqu’il a été abattu par le groupe d’intervention tactique, jeudi matin, ait été acquise de manière légale, d’après nos informations.
La Sûreté du Québec, désormais responsable de l’enquête, et l’Équipe intégrée de lutte contre le trafic d’armes (EILTA) passent ainsi beaucoup de leur temps à déterminer comment il a pu mettre la main sur cette arme.
Il s’agit d’un élément d’enquête « essentiel » pour bien faire la lumière sur cette affaire, selon plusieurs experts consultés par Le Journal.
« C’est un aspect important et préoccupant, car en ce moment, c’est une des grandes questions. [...] Comment ce gars-là a pu se procurer cette arme ? », a questionné André Gélinas, sergent-détective retraité à la division du renseignement de la police de Montréal.
Trouver la source
En remontant à la source, les enquêteurs pourraient même mettre la main au collet de trafiquants et découvrir des caches d’armes, a-t-il ajouté.
« Dans leur travail d’analyse, ils vont devoir éplucher ses contacts, ses messages. Ils pourraient aussi trouver des traces qui viendront établir le mobile de sa folie meurtrière », a expliqué M. Gélinas.
« Est-ce qu’on est capable de se rendre jusqu’à celui qui a vendu l’arme ? C’est important. Est-ce que d’autres personnes au Québec ont pu acheter ce genre d’arme au vendeur ? » a pour sa part soulevé Stéphane Wall, superviseur retraité à la police de Montréal.
D’après lui, il sera essentiel que les enquêteurs puissent collaborer avec les autorités américaines, puisque la plupart des armes saisies au Québec ont traversé la « passoire » qu’est la frontière avec nos voisins du sud.
Accès facile
Un tel drame où trois hommes ont perdu la vie vient rappeler à quel point les armes à feu sont accessibles pour des personnes malintentionnées, ont également estimé les deux policiers.
« Qu’un individu qui ne semble techniquement pas lié au milieu des groupes criminels ait pu se procurer une arme illégale [...] démontre que c’est facile de s’acheter une arme à Montréal », a dit de son côté la criminologue Maria Mourani.
« Le gel des permis pour les armes de poing et la décision d’interdire l’importation légale des armes de poing ne va pas changer grand-chose [au problème des armes illégales] », a soutenu Irvin Waller, professeur émérite de criminologie à l’Université d’Ottawa.
DES EMPLOYÉS APEURÉS
À une certaine époque, le présumé auteur des trois meurtres, Abdulla Shaikh, a terrorisé des employés de la Cité-de-la-Santé à Laval, où il était suivi en psychiatrie.
« Il y a des membres qui nous ont interpellés. Ils se sentaient en danger », a dit Nathalie Bourque, présidente par intérim du Syndicat des travailleuses et des travailleurs du CISSS de Laval-CSN, à TVA Nouvelles.
« Les gens qui travaillent en psychiatrie sont habitués aux menaces et aux propos vulgaires, mais parfois il y a des cas où on sent vraiment la différence et la peur s’installe », a ajouté Mme Bourque.
Au moins deux membres se sont tournés vers leur syndicat en raison de menaces récurrentes et insistantes de la part de l’homme de 26 ans.
« Ce sont des menaces du genre : ‘’je vais trouver ton nom et ton adresse. Je vais te tuer.’’ Les membres avaient vraiment peur pour leur intégrité physique, voire leur vie », s’est rappelé la présidente.
Au moins un employé avait même contacté la police pour porter plainte.
« Ils se sont fait répondre que c’était un patient en psychiatrie, que c’étaient des menaces voilées. Donc, il n’y a pas eu de suite et il n’y a pas eu de rapport », a expliqué Nathalie Bourque.
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