Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Le roller derby perd sa maison à Montréal: appel à l’aide de MTLRD

Yuna Guivarc'h, alias Falcon Punch, est une des étoiles de la MTLRD. L'athlète de 34 ans est jammeuse, la position la plus névralgique de ce sport, qui se joue à cinq par équipe, avec quatre bloqueuses.
Yuna Guivarc'h, alias Falcon Punch, est une des étoiles de la MTLRD. L'athlète de 34 ans est jammeuse, la position la plus névralgique de ce sport, qui se joue à cinq par équipe, avec quatre bloqueuses. photo julien mcevoy
Partager
Photo portrait de Julien McEvoy

Julien McEvoy

2024-06-13T04:00:00Z
Partager

Une institution du Québec underground bat de l’aile et ses responsables ont besoin d’aide. La ligue Montréal Roller Derby (MTLRD) perd sa maison, l’aréna qui accueille ses matchs depuis 18 ans, et se retrouve à la rue. 

«L’avenir est incertain. C’est impossible pour nos bénévoles de régler ça», lance Caroline Poudrier, joueuse retraitée et annonceuse maison. L’aide du public et de la mairie est demandée.

MTLRD, c’est une centaine de joueuses réparties dans cinq équipes, dont une dans le top 10 mondial. Les matchs se tiennent au même endroit depuis 2006, à l’aréna Saint-Louis, dans le Mile-End, à Montréal. 

Le roller derby s'est toujours joué à l'aréna Saint-Louis, à Montréal.
Le roller derby s'est toujours joué à l'aréna Saint-Louis, à Montréal. photo Isabelle Dimyadi

Samedi dernier, dans les gradins comme sur le terrain, un vent de tristesse soufflait. Au son de l’ultime coup de sifflet, la ligue est devenue sans-abri.

Cet aréna a besoin d’amour, ce n’est pas un secret. La Ville lance cet été des travaux pour moderniser la surface, déglacée depuis 2020, ce qui rend les lieux hors d’usage jusqu’à au moins l’automne 2026.

Finis, les «Oh!» et les «Ah!» devant une action spectaculaire d’une athlète sur huit roues. Finies, les salles combles de 500 personnes, le samedi soir, au cœur de la métropole et de son hip Mile-End.

Publicité

Montréal est une pionnière du roller derby. Plus de 3000 spectateurs ont assisté, en 2019, aux finales du Championnat de la Women Flat Track Derby Association (WFTDA), à l’aréna Saint-Louis.

MTLRD est la plus vieille ligue du Canada. C’est aussi la première hors des États-Unis à avoir adhéré les rangs de la WFTDA, l’autorité suprême du sport.

Deux bloqueuses en action
Deux bloqueuses en action photo tirée de la page Facebook de MTLRD

L’équipe A voyage aux quatre coins du continent nord-américain pour affronter les meilleures. Elle se classe dans le top 10 des équipes de la WFTDA, deuxième dans l’est de l’Amérique du Nord.

La grande majorité de son budget annuel de fonctionnement est en péril. Les matchs dans le Mile-End, tenus l’été une ou deux fois par mois, ont toujours été sa principale source de revenus.

L'équipement de Falcon Punch
L'équipement de Falcon Punch photo julien mcevoy

Sans maison et sans le sou

«On a la meilleure ligue au Canada», n’hésite pas à dire Caroline Poudrier. Pour assurer sa survie, il faudra des solutions, et vite.

Ce n’était déjà pas facile pour les athlètes de se maintenir parmi l’élite avec, à côté, un job de jour, le quotidien. L’organisation est assurée par des bénévoles, souvent les mêmes qui rayonnent sur le parquet le samedi soir.

«On travaille fort pour garder Montréal dans le top 10. Et là, on stress de savoir si la ligue va passer l’année», lance la redoutable Falcon Punch, une des étoiles de l’équipe A.

Yuna Guivarc'h était passionnée quand elle parlait de son sport, mercredi, devant l'aréna Saint-Louis, dans le Mile-End, à Montréal.
Yuna Guivarc'h était passionnée quand elle parlait de son sport, mercredi, devant l'aréna Saint-Louis, dans le Mile-End, à Montréal. photo julien mcevoy

Publicité

Yuna Guivarc’h, de son vrai nom, est «jammeuse» pour MTLRD depuis 13 saisons. La femme de 34 ans, cascadeuse de métier, doit éviter les quatre bloqueuses adverses pour faire le plus de tours de piste possible.

La jammeuse, au roller derby, c’est l’étoile. C’est celle qui doit avoir le plus de force mentale, de cran, car il s’agit d’une contre-performance pour annihiler les chances de victoire de l’équipe.

C’est grâce aux revenus de la ligue que Falcon Punch et sa bande se maintiennent parmi l’élite mondiale. Sans cet argent, elles ne pourraient pas tout payer.

En plus des voyages, les recettes au guichet servent à louer les salles où s’entraînent trois fois par semaine les équipes A et B.

Sans maison assez grande pour accueillir tout son monde, la ligue craint aussi de s’éloigner de ses fans, de sa communauté. «On cherche d’autres lieux depuis des années, mais là, c’est presque une question de vie ou de mort», se désole Caroline Poudrier.

La direction des sports de la Ville est déjà en contact avec MTLRD, a indiqué le cabinet de la mairesse Valérie Plante au Journal, mercredi. «Nous souhaitons vivement que l’organisation puisse poursuivre ses activités», dit-on à l’hôtel de ville, qui cherche des façons de continuer à soutenir la ligue pendant les travaux à l’aréna Saint-Louis. 

Entretien avec Falcon Punch

La cascadeuse de 34 ans est arrivée en moto, mercredi, pour notre entretien. Rien ne semble arrêter cette force de la nature.
La cascadeuse de 34 ans est arrivée en moto, mercredi, pour notre entretien. Rien ne semble arrêter cette force de la nature. photo julien mcevoy

C’est grâce au roller derby que Yuna Guivarc’h est devenue cascadeuse dans le monde du cinéma. Ubisoft, dont les bureaux sont collés sur l’aréna Saint-Louis, se cherchait des patineurs pour la conception du jeu Roller Champions.

Publicité

Aucun membre de l’Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists (ACTRA) n’était en mesure de le faire. La porte était ouverte pour Falcon Punch, qui a accumulé les crédits de ce syndicat lors de ses présences chez Ubisoft.

Elle n’avait plus qu’à construire sa liste de contacts dans le show-business. L’athlète de haut niveau ne manque aujourd’hui pas de contrat de cascadeuse, sa «job de jour».

«C’est sûr que j’aimerais que nous soyons des professionnelles rémunérées avec un accès à des préparateurs physiques et à davantage de temps d’entraînement», confie-t-elle, assise sur le perron de l’aréna où elle a disputé tous ses matchs de roller derby à Montréal depuis 13 ans.

La jammeuse parle de l’endroit avec affection. On sent les racines de la ligue MTLRD sous nos pieds quand on l’entend décrire les soirées mémorables qu’elle y a vécu.

Falcon Punch, lors d’un match, est comme la balle dans ce sport sans balle. Elle mène un genre de course full contact et doit éviter les adversaires au moyen d’une stratégie qui mise sur les feintes et les mouvements brusques.

Passer quelques minutes avec cette femme au corps sculpté au couteau, c’est réaliser l’ampleur du travail physique derrière son succès.

«On n’est plus dans le roller derby des années 1960. Il y a un tas de règles, c’est un vrai sport où les athlètes se défoncent pour gagner», dit-elle avec fierté.

On la croit sur parole.

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité