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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Le roi Charles III en visite: 230 ans de tournées royales au Canada

Mark Carney invite le roi britannique Charles III, une tradition qui se perpétue

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Photo portrait de Martin Landry

Martin Landry

2025-05-25T04:00:00Z
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C’est une image qu’on croyait tirée d’un autre siècle: le roi d’Angleterre sur les marches du parlement canadien. Et pourtant, le tout nouveau premier ministre du Canada, Mark Carney, souhaite bel et bien accueillir Charles III à Ottawa pour le traditionnel discours du trône. À peine installé à la tête du gouvernement, Carney tend la main à la monarchie, renouant avec une tradition vieille de plus de deux siècles. Un geste symbolique, mais lourd de sens pour l’histoire canadienne.

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Bien sûr, il y a fort à parier que nos voisins ontariens, notamment les fidèles monarchistes de Toronto, accueilleront cette visite avec le faste et l’enthousiasme dont ils ont le secret. Après tout, la Ville Reine, comme on appelle affectueusement Toronto, porte encore en son nom l’empreinte de la Couronne. Les visites royales y sont célébrées comme de grands événements populaires, entre ferveur patriotique et nostalgie impériale.

Mais la relation du Canada avec la monarchie ne se résume pas à quelques drapeaux Union Jack agités dans la foule. Elle est aussi marquée par une série de visites historiques, parfois hautement politiques, parfois simplement humaines, qui ont forgé le lien symbolique entre la Couronne et le pays.

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L’édifice du Centre d’origine du Parlement, vers 1914
L’édifice du Centre d’origine du Parlement, vers 1914 Bibliothèque et Archives Canada

VISITES MILITAIRES ET DIPLOMATIQUES

La première grande visite royale au Canada remonte à la fin du 18e siècle. En 1792, le prince Edward, quatrième fils du roi George III et futur père de la reine Victoria, parcourt le Bas et le Haut-Canada. Il rencontre des Nations autochtones, inspecte des garnisons militaires et s’immerge dans la réalité du pays naissant. C’est d’ailleurs en son honneur qu’on nommera l’Île-du-Prince-Édouard.

En 1860, c’est au tour de son petit-fils, le futur roi Edward VII, de découvrir le territoire. À peine adulte, le prince de Galles représente sa mère, la reine Victoria, pour inaugurer le pont Victoria à Montréal. Il devient alors le premier membre de la famille royale à voyager en train au Canada entre Toronto et Collingwood. Le succès de cette tournée inaugure une longue tradition de visites royales liées aux grands travaux et aux événements marquants. 

Roi George VI et la reine Élisabeth en compagnie du premier ministre Mackenzie King, le 19 mai 1939
Roi George VI et la reine Élisabeth en compagnie du premier ministre Mackenzie King, le 19 mai 1939 Office national du film

ROYAUTÉ AU CŒUR DE L’EMPIRE

En 1901, le futur roi George V et la future reine Mary passent un mois à traverser le Canada en train. Cette visite coïncide avec le développement du chemin de fer du Canadien Pacifique et permet de renforcer le sentiment d’unité impériale. George reviendra en 1908 pour célébrer le tricentenaire de la fondation de Québec.

La Première Guerre mondiale renforce les liens militaires entre le Canada et la monarchie. Le prince de Galles, le futur roi Edward VIII, sert comme officier et visite les troupes canadiennes. En 1919, il entame une tournée pour remercier le pays de son engagement. Tombé sous le charme de l’Ouest canadien, il se porte acquéreur d’un ranch en Alberta. Une histoire d’amour avec le Canada qui n’empêchera pas le scandale de son abdication en 1936.

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Photo d'archives, Getty Images
Photo d'archives, Getty Images

DES SOUVERAINS EN TERRE CANADIENNE

Un mois après avoir posé la couronne sur sa tête, le roi Edward VIII abdique, ce qui propulse son frère George VI sur le trône. En 1939, à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, le nouveau roi devient le premier monarque régnant à visiter officiellement le Canada. Accompagné de son épouse Élisabeth (la future reine mère), il sillonne le pays pendant six semaines. Le couple royal participe à l’une des premières «promenades royales», saluant les anciens combattants devant le monument commémoratif d’Ottawa. Une tournée marquante, empreinte d’émotion dans un contexte géopolitique tendu.

Journal de Québec
Journal de Québec

Dès son accession au trône, la reine Élisabeth II adopte une approche résolument moderne des visites royales. Elle visite le Canada pour la première fois en 1951, puis revient en 1957 pour ouvrir l’année parlementaire, une première pour un monarque régnant. Mais c’est en 1959 que sa plus longue tournée la mène dans les dix provinces et les deux territoires. Elle apprend alors qu’elle est enceinte de son troisième enfant, une nouvelle que le premier ministre John Diefenbaker apprend avant la presse!

En 1976, Montréal accueille les Jeux olympiques d’été. C’est l’occasion pour la reine, le prince Philip et leurs quatre enfants d’assister ensemble à un événement international. Leur fille, la princesse Anne, y concourt en équitation. Cette visite familiale, teintée de complicité et d’émotion, marque les esprits et humanise la monarchie. L’année suivante, en 1977, la reine Élisabeth II avait prononcé le discours du Trône lors d’une de ses visites au pays. Ce fut un événement plutôt inusité, parce que généralement cet honneur revient au gouverneur général en fonction. 

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La reine Élisabeth, le prince Philip en 1960 avec leurs trois premiers enfants au château Balmoral: le prince Charles (à droite), la princesse Anne (à gauche) et le prince Andrew dans les bras de son père.
La reine Élisabeth, le prince Philip en 1960 avec leurs trois premiers enfants au château Balmoral: le prince Charles (à droite), la princesse Anne (à gauche) et le prince Andrew dans les bras de son père. AFP

L’ÈRE DE CHARLES ET DIANA

Au début des années 1980, la monarchie entre dans l’ère médiatique avec le couple mythique formé par le prince Charles et la princesse Diana. Leur tournée de 1983, notamment à Edmonton et Ottawa, est suivie par des foules en délire. Diana vole la vedette par son charisme, sa simplicité, et son lien direct avec les Canadiens. Lors d’un discours, Charles s’amuse même à souligner que son épouse est née le 1er juillet, jour de la fête nationale du Canada, ajoutant avec humour que cela prouve son bon goût.

L'encyclopédie canadienne / London Pictures Service / Royal Collection Trust
L'encyclopédie canadienne / London Pictures Service / Royal Collection Trust

La dernière décennie a vu les jeunes générations royales reprendre le flambeau. En 2011, le prince William et Catherine, alors tout juste mariés, choisissent le Canada comme destination pour leur première tournée officielle. Entre gestes spontanés, matches de hockey de rue et embrassades chaleureuses, ils redonnent un souffle de fraîcheur à la monarchie. Le couple assiste même à une cérémonie de citoyenneté, saluant de nouveaux Canadiens avec émotion.

En 2017, le prince Charles, alors héritier du trône, et Camilla marquent le 150e anniversaire du Canada avec une visite solennelle à Ottawa. Dans son discours sur la Colline du Parlement, Charles affirme avec fierté: «Nous célébrons un pays que d’autres perçoivent comme un exemple.»

Cette tradition de visites royales, riche de rencontres symboliques et d’étapes historiques, s’apprête donc à se poursuivre. Le premier ministre Mark Carney, tout juste installé à la tête du gouvernement canadien, a invité le roi Charles III à venir prononcer le prochain discours du trône. Une manière pour lui de marquer le début de son mandat sous le signe de la tradition et de l’unité nationale. Le roi a officiellement accepté l’invitation. Ce retour sur le sol canadien de Sa Majesté s’annonce déjà comme un moment fort, autant pour les institutions que pour la population, et nul doute que nos voisins ontariens, surtout à Toronto, y trouveront de quoi se réjouir. Le Canada s’apprête donc, une fois de plus, à dérouler le tapis rouge pour une monarchie qui continue de jouer un rôle symbolique, mais profondément enraciné dans l’histoire du pays.

Références:
Carolyn Harris, Encyclopédie Canadienne, Tournées royales au Canada et 10 tournées royales mémorables au Canada.
Renée Gagnon-Guimond. Leurs majestés au Québec, La visite royale de 1939. Cap aux Diamants
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