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L'article provient de Le Journal de Québec
Politique

Le réveil est brutal, mais essentiel

Le délire messianique de ces libérateurs autoproclamés s’est déployé sous nos yeux. « Freedom ! », qu’ils ont crié, la rage dans le regard.
Le délire messianique de ces libérateurs autoproclamés s’est déployé sous nos yeux. « Freedom ! », qu’ils ont crié, la rage dans le regard. Photo Agence QMI, Maxime Deland
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2022-02-22T10:00:00Z
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Au Canada, le trop long siège d’Ottawa par un soi-disant « convoi de la liberté » aux couleurs sombres de l’extrême droite sonne le réveil. Brutal. Tardif. Néanmoins, essentiel.

Bien à l’avance, ses organisateurs avaient d’ailleurs télégraphié leurs vraies intentions sur les médias sociaux. Sous prétexte de s’opposer à la vaccination obligatoire des camionneurs, l’objectif premier du convoi, financé en partie par l’ultra-droite américaine, était de déstabiliser la démocratie canadienne.

Après 23 jours d’occupation, le dommage était tel que Justin Trudeau n’avait plus le choix. À cause de l’inaction navrante des autorités politiques et policières, dont la sienne – tous incapables en amont d’empêcher l’installation du convoi devant le parlement –, il a dû invoquer la Loi sur les mesures d’urgence.

D’où le démantèlement du convoi par près d’une dizaine de forces policières, dont la SQ. Du jamais-vu. Du premier au dernier jour, la réalité aura dépassé la fiction. Mais est-ce vraiment la fin du mouvement ? Pas tout à fait.

Pour les occupants, incluant ces « petites familles » – fanatiques au point d’y amener leurs enfants –, le siège d’Ottawa est une grande réussite. Écoutez bien les témoignages issus de cet aréopage de l’extrême droite trumpienne, de complotistes, d’antivax, d’intégristes chrétiens, de suprématistes blancs, d’antisémites, etc.

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C’est rien qu’un début...

Que disent-ils ? Que leur convoi n’est qu’un début. En fait, c’est la suite. La suite de l’élection de Donald Trump à la présidence en 2016. Ce moment où des gens, groupes et partis populistes de l’ultra-droite venaient de trouver en lui un porte-voix et un catalyseur d’une grande puissance.

Depuis, l’extrême droite mobilise et recrute à travers l’Occident. Même le pays des licornes ne fait pas exception. La pandémie, comme ailleurs, ayant aussi aidé à décupler l’influence des théories complotistes.

Pendant le siège d’Ottawa, le délire messianique de ces libérateurs autoproclamés s’est déployé sous nos yeux. « Freedom ! », qu’ils ont crié à s’en casser la voix et la rage dans le regard.

« Freedom ! », pour « sauver » le monde des gouvernements « tyranniques ». La violence verbale et physique, elle aussi au rendez-vous. Contre des policiers et des journalistes. Certains de nos collègues ont même été encerclés, menacés ou agressés. Du jamais-vu au Canada.

La haine envers les médias traditionnels n’est-elle pas un des principaux piliers du trumpisme ? Depuis des années, Trump les accuse de colporter des « fake news ». Les trumpistes d’ici nous appellent les « merdias ».

Résultat : au Canada, jamais les reporters et les chroniqueurs, dont celle-ci, n’auront subi autant de violence verbale ni reçu autant de menaces de mort.

La prochaine étape

Trump a même créé le concept orwellien de « faits alternatifs ». Se servant des médias sociaux, il s’en sert depuis pour disséminer une quantité phénoménale de faussetés. Érigée par ses émules au rang de « vérité », la désinformation traverse ainsi les frontières et les continents.

Et la prochaine étape ? Trump aura son réseau web, le « Truth Social ». Tenez, encore l’usage trompeur du mot « vérité ». Le journal Le Monde en résume fort bien les objectifs : « revanche pour l’ex-président, mais aussi une affaire possiblement lucrative et un tremplin pour (la présidentielle de) 2024 ».

Qui plus est, une fois ses problèmes techniques réglés, Truth Social pourrait être une redoutable plate-forme à propagande de l’ultra-droite, pour son financement et le recrutement de nouveaux disciples. Trump et le réseau FoxNews n’ont d’ailleurs pas appuyé le convoi pour rien. N’est-il pas un de leurs rejetons les plus efficaces ?

Bref, le Canada n’est pas sorti de l’auberge. Les Pierre Poilièvre, Maxime Bernier et Éric Duhaime leur offrant même des courroies supplémentaires de transmission.

Alors, que faire ? J’y reviendrai dans une prochaine chronique.

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