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L'article provient de Le Journal de Montréal
Politique

Le rêve de l’électrochoc Air Canada

Le PDG d'Air Canada, Michael Rousseau
Le PDG d'Air Canada, Michael Rousseau Photo Chantal Poirier
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Photo portrait de Emmanuelle Latraverse

Emmanuelle Latraverse

2021-11-07T10:00:00Z
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Dans tout le tollé d’indignation soulevé par l’arrogance rhodésienne du PDG d’Air Canada, une rare voix s’est élevée pour s’en réjouir. C’est celle de l’ancienne première ministre Pauline Marois.

« C’t’une bonne affaire, finalement, » m’a-t-elle déclaré en entrevue au Bilan, vendredi, ajoutant espérer que l’affaire Rousseau sorte les Québécois de leur indifférence face à l’avenir du français.

« Cet événement est peut-être une sorte d’électrochoc pour nous faire comprendre que si on ne se bat pas, que si on ne se tient pas debout et que s’il n’y a pas des gestes concrets pour s’assurer qu’on parle français dans notre métropole, il arrivera ce qui arrive avec quelqu’un comme monsieur Rousseau. »

En effet, la proposition est séduisante, rassurante même.

Mais peut-on vraiment imaginer qu’il y aura un avant et un après ?

Rien n’est moins sûr.

Pour évoquer un électrochoc, il faudrait que les Québécois soient prêts à se mobiliser. L’histoire politique récente démontre plutôt le contraire.

La chèvre et le chou

Prenez le projet de loi 96 sur la refonte de la Charte de la langue française.

Le gouvernement Legault s’est bien gardé d’étendre la loi 101 aux cégeps, évoquant ainsi un « compromis raisonnable » dans la protection du français.

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Voyez-vous, il a saisi le cœur de notre ambivalence perpétuelle.

Les francophones veulent une action musclée pour protéger le français, mais pas au prix d’avoir des débats difficiles, et surtout pas au prix de prendre des risques.

Comme si juste de voir le gouvernement agir, ratisser large, soulever l’inquiétude de la communauté anglophone suffisait à nous rassurer que « ça va bien aller. »

C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle François Legault réussira à donner des dents à la loi 101, là où le gouvernement de Pauline Marois avait échoué. Ayant renoncé à la souveraineté, il est moins suspect.

Responsabilité collective 

Il est si facile de s’indigner. Si facile d’écouter en boucle la candide arrogance de Michael Rousseau.

Certes, la colère est thérapeutique. Un baume salutaire au sentiment d’impuissance collective face au rouleau compresseur de l’anglais, ses moteurs économiques et culturels.

N’empêche, un défaitisme navrant habite notre rapport à la langue.

On a renoncé à quitter un commerce ou un restaurant où il est difficile de se faire servir en français. On passe à l’anglais dès qu’un collègue ou un interlocuteur peine à manier la langue de Molière.

Et que dire de la piètre qualité du français que l’on entend tous les jours ? On se formalise de son déclin, mais on est incapable de la chérir au point de bien la parler. Pire ? On trouve que l’examen de français à la fin du collégial est trop difficile !

C’est ce confort, cette paresse collective qui menace le français, bien davantage que l’arrogance d’un PDG d’Air Canada.

Tous les projets de loi du monde demeureront impuissants pour sauver notre langue tant que ça ne deviendra pas une priorité collective.

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