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L'article provient de TVA Nouvelles

Le Québec est un État laïc? Vraiment?

Photo fournie par David Gauthier
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David Gauthier, Historien

2025-09-04T04:00:00Z
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Si je vous décris une cité gouvernée par un chef religieux qui dirige à la fois un couvent et un territoire géographique, vous allez, d’instinct, penser que je parle du Vatican et de son souverain pontife. Or, il n’en est rien! 

Il existe au Québec trois municipalités «théocratiques», où les laïcs y résidant sont privés du droit élémentaire de voter pour leur maire et où il leur est impossible de se présenter comme candidats au conseil de ville.

La loi sur la laïcité du Québec votée en 2019 est comme un gruyère plein de trous et d’exceptions qui ont fini par favoriser la religion catholique au détriment des autres. Le gouvernement tente de justifier cet état de fait en insistant sur l’«aspect patrimonial» que cette religion représente dans notre histoire. Pendant ce temps-là, il tente de polariser la population autour de débats qui n’ont pas lieu d’être, tels que l’interdiction de prières de rues.

Double singularité

Regardons-nous en face avant de juger nos compatriotes membres d’autres religions. Dans les trois exemples suivants, la laïcité touche directement le ministère des Affaires municipales.

Notre-Dame-Des-Anges, ville enclavée dans Québec, partage avec Saint-Louis-de-Gonzague-du-Cap-Tourmente et Saint-Benoît-du-Lac la double singularité d’être à la fois un couvent appartenant à un ordre religieux et d’être une ville au sens juridique et administratif. Or, dans ces trois villes, seule la population appartenant aux congrégations religieuses dispose du droit de vote.

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La mairesse de Notre-Dame-des-Anges, sœur Chantal Bergeron, est aussi la supérieure des Augustines. Lors du recensement de 2021, ce territoire de quatre hectares était habité par 241 habitants, dont une soixantaine de religieuses. Cette ville bénéficie gratuitement des services publics fournis par la Ville de Québec, sans contrepartie puisque les communautés religieuses ne payent ni taxes ni impôts. La majorité des habitants sont des laïcs résidant au CHSLD. Ces derniers ne peuvent donc pas exercer le droit de vote, sans que personne s’en préoccupe.

«Municipalités de paroisse»

Un second exemple singulier démontrant que l’État québécois n’est pas pleinement laïc est qu’il reconnaît l’existence juridique de «municipalités de paroisse», territoires d’une paroisse érigés en municipalités, dont font partie les trois villes citées plus haut. Dois-je rappeler qu’une paroisse est un territoire géographique dirigé par un curé qui peut contenir une ou plusieurs églises?

Cette appellation religieuse ne gagnerait-elle pas à être renommée d’une manière neutre et inclusive? Puisqu’on choisit d’utiliser un mot religieux pour désigner un territoire civil, pourquoi alors ne pas «rebaptiser» la région administrative du Bas-Saint-Laurent en «Région du diocèse de La Pocatière».

Depuis qu’a été promulguée la loi sur la laïcité, environ la moitié des municipalités du Québec ont retiré leurs crucifix des salles du conseil de ville. Les autres ne l’enlèvent pas au nom de la «question patrimoniale», un droit acquis. Doit-on rappeler qu’un crucifix n’est pas un objet neutre politiquement? Sa place est davantage au musée que dans les lieux où s’écrivent nos lois et règne la justice.

Nous n’arrivons pas au Québec à défendre un principe en prêchant par l’exemple et nous tentons de donner des leçons de morale aux gens pratiquant une autre religion. On ne devrait pas déplacer dans l’espace public la question de la laïcité avant d’être nous-mêmes exemplaires dans nos propres institutions.

Et tandis qu’on s’offusque de prières de rue venant de manifestants musulmans qui s’opposent pacifiquement au génocide à Gaza, personne ne parle d’interdire les marches du Vendredi saint ou les processions pour la neuvaine de sainte Anne.

David Gauthier
Historien

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