Le Québec est-il prêt à affronter un nouveau virus?
Si des leçons ont été tirées de la pandémie cinq ans plus tard, des médecins ne voient plus la même solidarité


Hugo Duchaine
Cinq ans après le début de la pandémie de COVID-19, le Québec serait-il prêt à affronter un nouveau virus? Des médecins dressent un bilan mitigé des leçons tirées de la crise sanitaire du printemps 2020. Car même si la province saurait à quoi s’attendre si une nouvelle pandémie frappait à nos portes, plusieurs craignent une plus grande résistance de la population à se serrer les coudes.
Désinformation rampante
Intensiviste pour l’Hôpital général juif durant la pandémie, le Dr Michel De Marchi a passé des mois au chevet de patients sous respirateur artificiel, luttant pour leur vie. «C’était sans relâche», se souvient le médecin.

Malgré ces souvenirs douloureux, il ne fait «aucun doute» pour lui que si un nouveau virus menaçait les Québécois, on ne verrait pas le même élan de solidarité ayant marqué le printemps 2020.
Fini les slogans «ça va bien aller» et les arcs-en-ciel, la désinformation prend désormais toute la place, déplore le médecin.
Cette solidarité est pourtant ce qui a aidé la province à passer à travers la pandémie, remarque Benoît Mâsse, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.
«D’un côté pratico-pratique, nous avons désormais l’expérience d’une pandémie, mais je crains qu’il n’y ait pas d’acceptation sociale pour des mesures sanitaires ou une campagne de vaccination», dit-il, s’attendant à beaucoup plus de résistance.
Pour l’épidémiologiste Kevin L’Espérance, il faut «dépolitiser le discours [de la Santé publique] et écouter les experts». Cependant, le rôle du Dr Luc Boileau reste encore aujourd’hui double, soit à la fois comme directeur de santé publique, mais aussi comme sous-ministre adjoint.
Équipements de protection et vaccins
Le manque d’équipements de protection, comme les masques N95, avait plombé les efforts du réseau de la santé en 2020 contre la propagation de la COVID-19.
Cinq ans plus tard, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) assure qu’il a une «grande réserve» et des contrats d’approvisionnement avec des fournisseurs locaux.
Il s’agit là d’un effort important, note M. L’Espérance. «La pandémie avait mis en lumière qu’on était trop dépendant des autres pays pour s’équiper.»
Toutefois, il souligne que le Canada n’est toujours pas en mesure de produire ses propres vaccins.
Le MSSS ajoute aussi qu’il a un plan solide pour se préparer à une pandémie, qu’il s’affaire à finaliser.
CHSLD toujours fragiles
Des milliers d’aînés sont morts en CHSLD durant la pandémie, complètement abandonnés à leur sort. Une tragédie qui a illustré à quel point les CHSLD étaient dans l’«angle mort» du réseau de la santé, croit la Dre Sophie Zhang.
Coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD, elle estime que malgré de meilleures connaissances aujourd’hui, les CHSLD restent désuets.
De nombreux bâtiments vieillissants n’ont pas de ventilation adéquate et ont encore des chambres doubles.

Et la pénurie de personnel reste criante, dit-elle. Certains CHSLD n’ont toujours pas de médecin traitant dépendant d’une équipe de dépannage, par exemple.
«Il y a beaucoup de personnes qui ont fait des recommandations, comme le Bureau du coroner, le Protecteur du citoyen, souligne la Dre Zhang. Et j’ai peur qu’avec les coupes budgétaires, qu’on perde ces acquis-là et qu’on ne mette pas en place les recommandations qui ont été faites.»
Se préparer, mais à quoi?
Si des leçons ont été tirées pendant la pandémie, comme la vulnérabilité des aînés aux virus comme celui de la COVID-19, Benoît Mâsse souligne que la prochaine pandémie pourrait être bien différente.
Il s’inquiète notamment de la gestion de la grippe aviaire aux États-Unis, où «très peu de données et d’informations» sont fournies. Pourtant, des millions de volailles ont été abattues chez nos voisins du Sud.

Le manque de fiabilité des institutions américaines entraîne «des questions qu’on ne se posait pas avant», notamment avec l’arrivée de l’antivaccin notoire Robert F. Kennedy fils à la tête des institutions de santé.