Le Québec est à sec: le manque d'eau cause des problèmes dans les villes, dans les champs et sur les lacs de la province cet automne
Des sécheresses plus fréquentes et plus intenses sont à prévoir ces prochaines années au Québec avec les changements climatiques

Hugo Duchaine
Le Québec est à sec. La province manque tellement d’eau cet automne que des villes se font voler à même les bornes-fontaines, des bateaux s’enfoncent, les bêtes sont assoiffées et les puits doivent être forés de plus en plus creux.

«C’est un gros signal d’alerte pour les Québécois», lance la directrice générale d’Eau Secours, Rébecca Pétrin. Si l’eau a toujours été synonyme d’abondance dans la province, la sécheresse sévit actuellement sur presque tout le territoire, poursuit-elle.
Depuis juin, plusieurs régions comme la Gaspésie, l’Estrie et le grand Montréal, ont reçu de 30 à 50% moins de pluie que les normales, selon Environnement Canada. Seule la région de Québec a reçu plus de précipitations.

«C’est très sec», précise le météorologue Serge Besner, dont le lac de pêche en Outaouais n’a jamais été aussi vide depuis 20 ans.
Trois fois moins
S’il tombe habituellement près de 90 mm de pluie en septembre sur Montréal et ses banlieues, la région n’a reçu que 33 mm le mois dernier.
Et les impacts se font ressentir partout:
- Des résidents ont des puits de surface complètement à sec;
- Des agriculteurs doivent se faire livrer de l’eau pour abreuver leur troupeau et arroser leurs cultures;
- Des propriétaires de bateaux craignent de rester pris par manque d’eau.
Les besoins en eau sont si criants que des villes se font même voler de l’eau et une MRC doit désormais cadenasser ses bornes-fontaines.
Environ 25% des Québécois dépendent de l’eau souterraine pour s’abreuver.
Faut s’habituer
«Au Québec, nous ne sommes pas habitués au mot sécheresse», souligne la professeure en écohydrologie à l’Université du Québec en Outaouais, Audrey Maheu.

Pourtant, des sécheresses plus fréquentes et surtout plus intenses sont à prévoir avec le réchauffement climatique, plaide-t-elle. Plus le niveau d’eau des lacs et rivières baisse, plus la qualité en souffre également.
Ces dernières années, beaucoup d’efforts ont été mis sur la prévention des inondations, après des crues printanières dévastatrices, mais la gestion de l’eau doit désormais s’imposer.
«Les sécheresses sont plus insidieuses que les inondations, ça s’installe tranquillement, et quand on s'en rend compte, c’est trop tard», explique la scientifique.
Le communicateur scientifique chez Ouranos, Simon Legault, ajoute que les changements climatiques provoquent des extrêmes dans les événements météorologiques. Même si le Québec va recevoir plus de précipitations, les épisodes de sécheresse seront aussi plus imposants.
Les pluies torrentielles n’aident pas les eaux souterraines, poursuit l’hydrogéologue Yves Leblanc, puisqu’elle va ruisseler.
Problème de gestion
«Ce n’est pas juste un problème de pénurie d’eau, mais aussi de comment elle est gérée», estime M. Leblanc, qui croit qu’il manque une vue d’ensemble au Québec.
«On fonctionne beaucoup à l’aveugle, se désole Mme Pétrin d’Eau Secours. Nous avons très peu d’informations sur qui utilise l’eau et quelles sont nos réserves».
Heureusement, le Québec peut compter sur un couvert de neige, qui va fondre au printemps, et interrompre les sécheresses à venir, plaide Audrey Maheu. D’autres régions du monde peuvent voir le manque d’eau s’étirer sur des années.
Le manque d'eau dans les villes
De nombreuses municipalités ont dû émettre des avis d'ébullition d'eau, soit en raison du bas niveau de l'eau du cours d'eau où elles s'alimentent ou des faibles réserves dans les puits. Plusieurs ont aussi interdit l'arrosage.
- Sainte-Thérèse
- Boisbriand
- Saint-Mathieu-du-Parc
- Percé et plusieurs autres secteurs de la Gaspésie
- Saint-Narcisse
- Sutton, Venise-en-Québec, Sainte-Edwidge-de-Clifton
