Le Québec en récession... mais pas pour le ministre Girard

Nicolas Lachance
Le Québec plonge techniquement en récession, mais le gouvernement Legault continue de parler de ralentissement économique.
L’Institut de la statistique du Québec (ISQ) vient de dévoiler les données du troisième trimestre de 2023. Le produit intérieur brut (PIB) est en baisse de 0,2%.
Au précédent trimestre, le PIB avait également reculé, mais de 0,4%. Comme il s’agit d’un deuxième trimestre consécutif, le Québec est techniquement plongé en récession, selon la définition même de ce concept.
Or, le ministre des Finances, Eric Girard, estime qu’il est encore trop tôt pour parler de récession.
«L’ISQ confirme aujourd’hui que le ralentissement économique se poursuit au 3e trimestre (-0,2%). C’est le 2e trimestre consécutif négatif au Québec. Il est néanmoins trop tôt pour déclarer que le Québec est en récession, puisque la baisse de l’activité économique n’est pas généralisée», a-t-il déclaré sur le réseau social X.
«En effet, plusieurs secteurs affichent une croissance [...] de l’emploi, de la consommation et du revenu disponible. Nous continuerons de suivre la situation de près dans les prochains mois et sommes conscients que le contexte demeure difficile pour plusieurs Québécois», a-t-il mentionné.
Au téléphone, son cabinet admet qu’il y a techniquement une récession, mais estime que les trois critères d’une réelle récession économique qui toucherait les consommateurs québécois ne sont pas au rendez-vous.
Avant d’admettre une récession, le ministre des Finances souhaite voir si la tendance se prolongera dans le temps, si elle se généralisa dans la majorité des secteurs de l’économie et si ce recul économique s’accroîtra. Pour l’instant, les secteurs des dépenses de consommation et la formation brute de capital fixe sont toujours positifs, signale le cabinet Girard, estimant qu’il est encore prématuré de parler de récession.
Rigueur réclamée
La baisse du PIB serait marquée, principalement, par une chute notée dans le marché de la production d’électricité, plaide l’équipe du ministre.
Le libéral Frédéric Beauchemin a rapidement demandé au ministre de rectifier le tir.
«Un peu de rigueur, s’il vous plaît, M. le ministre. Deux trimestres négatifs consécutifs est la définition même de récession. Rigueur s’il vous plaît, car les Québécois ont droit à la vérité. Êtes-vous capable de modifier votre prévision de croissance de 0.6% pour l’année?» a-t-il répliqué.
À noter que les secteurs de la construction et des ouvrages non résidentiels ont subi une seconde baisse, cette fois de 1,3%.
Point positif: le marché des bâtiments résidentiels vit une première hausse en presque deux ans, avec une croissance de 1,3%.
Nuances
L’ex-ministre libéral et économiste Clément Gignac donne le bénéfice du doute au ministre Girard, tout en estimant qu’une récession est à nos portes.
«Si on prend l’approche que les États-Unis utilisent, il a sans doute raison. C’est un comité officiel qui définit si on est en récession ou pas. Et, ils ne prennent pas que le PIB qui recule de deux trimestres consécutifs. Ceux qui l’utilisent ce sont les économistes, parce que c’est commode et on a l’information rapidement», a-t-il nuancé, rappelant que définir une récession reste une chose complexe.

«Oui, il est probable que nous allons vivre une récession, mais elle sera atypique. Au moment où on se parle, le mot “stagnation” est sans doute plus proche de ce que les gens vivent», a-t-il expliqué.
Il indique qu’il n’y a pas encore une poussée du taux de chômage, même s’il y a certains signes qui montrent un ralentissement dans certains secteurs.
Les renouvellements d’hypothèques à de forts taux risquent également de faire mal aux portefeuilles dans les prochains mois, dit celui qui siège maintenant comme sénateur indépendant.
«On commence à le voir [...] Comme économiste, je crois que, malheureusement, on va sans doute connaître une récession, mais une récession qui ne sera pas très profonde et longue.»
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