L'homme d'affaires excentrique derrière StoneHaven, un manoir patrimonial des Laurentides revenu à la vie

Martin Landry
Pour découvrir l’histoire du manoir StoneHaven, dans les Laurentides, nous devons reculer d’au moins 150 ans et faire la connaissance d’un jeune homme ambitieux de l’est de Montréal, Douglas Lorne McGibbon.
Issu d’une grande famille écossaise qui a immigré dans la métropole québécoise dans les années 1860, Douglas Lorne McGibbon est le neuvième enfant d’une famille qui en compte 11. Il grandit dans le secteur où se trouve notre Jardin botanique actuel. Même si sa langue maternelle est l’anglais, McGibbon sait parler la langue de ses voisins, le français.

En 1895, Montréal est une ville en pleine effervescence industrielle. Douglas Lorne McGibbon est un jeune homme très ambitieux, il cherche à faire fortune. Il se démarque rapidement dans le monde de l’assurance, puis dans le commerce du charbon. On le retrouve même à la tête de la Canada Rubber Company. Ses succès commerciaux et financiers l’amènent à créer la Consolidated Rubber (située à Montréal, au coin des rues Notre-Dame et Papineau).
UNE CATASTROPHE QUI VA TOUT CHANGER
Au début du XXe siècle, rien ne semble pouvoir arrêter Douglas Lorne McGibbon, on raconte même qu’il est en voie de posséder l’une des grandes fortunes au pays.

Cependant, en 1906, il tombe gravement malade : toux persistante, fièvre intermittente, perte de poids. Il crache du sang. On lui diagnostique alors une tuberculose. Certes, il existe plusieurs remèdes (peu efficaces) pour soulager l’infection : l’huile de foie de morue, l’acide acétique en massage, la teinture de cantharidine, une concoction de sulfate de cuivre en comprimés et même la morphine. La solution la plus efficace pour ceux qui peuvent se le permettre, c’est tout simplement de changer d’air et de s’installer dans des sanatoriums pour reprendre des forces.
SOINS AUX ÉTATS-UNIS
McGibbon sera hospitalisé à Saranac Lake, dans l’État de New York, où il est pris en charge par le Dr Hugh Kinghorn.
Pendant son séjour hospitalier américain, il aura beaucoup de temps pour réfléchir et se questionner sur les raisons pour lesquelles les Montréalais doivent s’exiler aussi loin pour être soignés adéquatement. Pourquoi n’y avait-il pas de sanatorium dans sa région ?
McGibbon prend conscience des effets bénéfiques de la nature sur sa santé, mais ne parvient toujours pas à bien guérir de sa maladie.
Il croit qu’il n’aura plus jamais la force de travailler à nouveau, mais n’a aucune idée de ce qu’il peut faire de toute sa fortune accumulée au fil des années. C’est ainsi qu’avec son cochambreur au sanatorium de Saranac Lake, J. Roddick Byers (un médecin de Sherbrooke qui était aussi patient de Saranac Lake), McGibbon caresse le rêve de créer un vrai sanatorium pour les Montréalais. Cette idée lui donnera l’envie de vivre en même temps que d’aider la population québécoise à combattre la tuberculose.
Quand J. Roddick Byers reprend des forces, il part vers Montréal à la recherche du lieu parfait pour y créer leur institution.
Il trouve l’endroit idéal à 100 km au nord des impuretés de Montréal, dans la municipalité de Sainte-Agathe-des-Monts. Grâce à un certain curé Labelle et à son chemin de fer, Sainte-Agathe semble être le lieu tout désigné pour soigner les tuberculeux. Élevée en altitude, loin des grandes villes, ayant un bon air sec et pourvue d’électricité, cette ville est surtout exempte de pollution.
Il faut savoir que la tuberculose et l’idée que des centaines de gens infectés débarquent en ville suscitaient beaucoup d’inquiétude chez les Agathois. Pour obtenir l’aval de membres du conseil municipal, on les amène passer toute une semaine au sanatorium du lac Saranac. On souhaite qu’une fois sur les lieux, ils constatent par eux-mêmes combien ces établissements de santé sont bien gérés et comment il serait bénéfique de construire un sanatorium dans les Laurentides. Le voyage est un succès et le conseil accepte la demande de construction. La bâtisse sera érigée sur un terrain de 200 acres au même endroit où vous retrouvez aujourd’hui le fameux Hôpital Sainte-Agathe. Selon plusieurs sources, le montant total offert par Douglas McGibbon serait de 150 000 $, ce qui serait actuellement estimé à environ 5,4 M$.
Évidemment, dès l’annonce, McGibbon devient une personne très respectée et populaire.
Avec l’avancement des travaux de sanatorium laurentien, et voyant sa santé s’améliorer considérablement, McGibbon quitte Saranac Lake. Il décide qu’il est maintenant temps de construire sa demeure familiale à Sainte-Agathe.
NAISSANCE DU MANOIR STONEHAVEN
Il fait bâtir son propre manoir, à la mesure de son succès, de l’autre côté du lac des Sables sur un terrain occupant 500 acres. Plus de 200 charpentiers, maçons et manœuvres sont mis à contribution pour réaliser cette splendide maison bourgeoise d’inspiration écossaise visible de partout à travers Sainte-Agathe. La construction du manoir, appelé aujourd’hui StoneHaven, se termine vers 1908.

Tout est conçu pour faire de remarquables fêtes et vivre pleinement dans un lieu paradisiaque. Chaque été, McGibbon organise les plus grandes festivités de la région. Feux d’artifice, tours de bateau sur le lac, repas et danses mondaines dans la salle de bal, la vie était parfaite pour eux, d’autant plus que McGibbon n’avait plus à s’inquiéter de sa maladie.
Mais toute belle histoire a une fin. En 1920, sa santé faiblit de nouveau, mais cette fois, sa santé mentale est aussi affectée. Au même moment, des problèmes financiers surviennent et la vente de ses autres propriétés ne suffit pas pour payer les dettes des McGibbon. Sa réaction face à ses déboires financiers sera des plus extravagantes. Il organise la plus grande soirée jamais tenue dans le village, tous acceptent l’invitation. Qui pourrait refuser de participer à une fête préparée par un homme aussi important ?
À son décès, le 20 avril 1927, ses dettes dépassent ses actifs. Sa veuve, Ethelwyn Waldock, n’a d’autre choix que de se défaire du domaine. Les années folles du manoir passeront lentement sous silence et la dépression économique des années 1930 emportera dans l’oubli l’histoire de ce philanthrope.
LE MANOIR APRÈS LA MORT DE MCGIBBON
Il faudra patienter plus de sept ans avant que le StoneHaven reprenne vie avec l’achat du domaine par la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée. En mai 1934, les pères, les frères, les sœurs oblates et les aide-soignants prennent possession des lieux comme havre de paix et foyer d’entraide pour les vétérans missionnaires et Oblats malades ou âgés.

Cependant, il manque d’espaces et de chambres pour les malades. McGibbon avait certes une très grande demeure, mais elle n’avait environ que 16 chambres. Les Oblats doivent user d’ingéniosité pour loger tous leurs pensionnaires et s’assurer de séparer les pensionnaires les plus fragiles des malades possiblement contagieux. C’est pour cette raison qu’ils font démolir le GreenHouse situé entre la salle de bal et le manoir pour y construire trois nouveaux étages. Au total, près de 21 chambres supplémentaires seront ajoutées par les Oblats.
Pour ce qui est de la salle de bal de McGibbon, elle deviendra une chapelle. C’est ironique quand nous savons qu’à peine quelques années auparavant, des fêtes très enflammées y étaient célébrées. Peut-être que c’était une façon pour les Oblats de « purifier » l’endroit de tous ses péchés !
Après de nombreuses années d’agrandissement, les Oblats occuperont l’espace pendant plus de 70 ans, soit de 1934 aux alentours du début du 21e siècle.
Si vous avez la chance de visiter le manoir StoneHaven actuel, vous pourrez constater aisément les nouvelles dimensions. De l’extérieur, l’architecture ne correspond pas vraiment au style écossais privilégié par McGibbon. D’ailleurs, par la différence de couleur des pierres de fondation et celles du deuxième étage, principalement construit avec de la brique blanche, il est évident que la bâtisse a subi de grands changements. À l’intérieur, vous verrez aussi la différence de plancher.
Après le départ de la congrégation, le manoir s’est dégradé avec le temps. Une quinzaine d’années plus tard, des mécènes, soucieux du patrimoine bâti, se sont lancés dans une très grande aventure de restauration. Afin de redonner vie au StoneHaven, Georges Coulombe et Guylaine Brault prennent le relais. Ils travailleront pendant plus de quatre ans pour restaurer le manoir et son domaine tout en respectant l’histoire qui se cache derrière les murs de ce lieu unique au Québec. Au terme des travaux, l’équipe de Gestion Georges Coulombe réussit à faire revivre le cachet d’antan du manoir.
Ouvert depuis 2019, le manoir StoneHaven est maintenant reconnu comme un joyau patrimonial pour les Laurentides. Si vous passez par Sainte-Agathe cet été, sachez qu’il vous est possible de visiter les lieux et même de bénéficier d’une très surprenante visite historique effectuée par l’ambassadeur de StoneHaven, le très érudit Maxime Parra.
C’est arrivé un 22 juillet...
1894
Première course automobile en France.
1920
Meurtre de Blanche Garneau, jeune femme de Québec. Son meurtre entraînera des insinuations contre des hauts placés de la politique québécoise.
1933
Premier vol autour du monde en solitaire par Wiley Post. Le vol dure 7 jours, 18 heures et 45 minutes.
1947
Naissance de Gilles Duceppe, homme politique québécois.

1963
Parution du premier album américain des Beatles, Introducing The Beatles.
1973
Naissance de Rufus Wainwright, chanteur canadien.

2004
Fusion des brasseries Molson et Coors.
