Le Québec, c’est Serge Fiori et Michel Louvain
Une culture n’est pas faite que de «Grandes Œuvres» écrites en majuscules...


Richard Martineau
Je vous soumets une petite réflexion afin de nourrir vos vacances estivales.
Le Québec au grand complet a rendu hommage à Jean-Pierre Ferland et à Serge Fiori lorsque ces deux hommes nous ont quittés.
Normal.
Ces deux grands artistes ont fait avancer notre société.
Ils nous ont permis de prendre de l’altitude, de «monter d’un étage» et d’aller «un peu plus haut, un peu plus loin».
Comme l’ont fait Félix, Charlebois, Deschamps, Clémence, Riopelle, Tremblay, Réjean Ducharme, la gang de Beau Dommage, etc.
LES DEUX DENYS
Mais il n’y a pas que les artistes avec un grand A qui forgent l’imaginaire d’une nation.
Il y a aussi les artistes avec un petit a.
Qui sont tout aussi importants.
Tenez, je prends le cinéma.
Le Québec, c’est Denys Arcand, bien sûr. Qui a réalisé Le Déclin de l’empire américain, Les Invasions barbares et L’Âge des ténèbres.
Mais c’est aussi Denys Héroux qui a réalisé Valérie.
Et Claude Fournier, qui a réalisé Deux femmes en or.
Certes, Le Déclin et Valérie n’appartiennent pas au même univers.
Mais ils ont tous deux, chacun à sa façon, participé à forger notre identité. À faire de nous ce que nous sommes.
Tout comme je ne pourrais imaginer le Québec sans Le Déclin, je ne pourrais imaginer le Québec sans Valérie ou Deux femmes en or.
Ces trois films font partie de «nous autres».
(Oui, j’ai dit le mot en N: nous. Mais je ne m’excuserai pas, car, jusqu’à preuve du contraire, «nous» existons et «nous» avons une histoire et une culture.)
Vous me direz qu’on ne peut organiser des hommages nationaux chaque fois qu’un artiste passe l’arme à gauche.
Je suis 100% d’accord avec vous.
Mais je ne parle pas ici d’hommages, de cérémonies ou de funérailles nationales diffusés en direct d’une grosse église.
Juste de notre réaction.
De la façon dont nous envisageons la culture.
LE TEMPS D’UNE DINDE
Tenez, un exemple qui nous vient de la France.
Récemment, une chanteuse bon chic bon genre – Juliette Armanet, qu’on associe à tort ou à raison à la tradition de «La Grande Chanson française» – a dit tout le mépris qu’elle ressentait pour Michel Sardou.
Pour elle, Sardou est un chanteur kétaine, bas de gamme, tout juste bon à chanter dans des kermesses devant des beaufs avinés en camisole – vous voyez le genre.
Les lacs du Connemara? La maladie d’amour? Je vais t’aimer?
Des chansons réacs pour joueurs de pétanque et buveurs de Ricard.
Or, quoi qu’en pensent Armanet et ses fans, qui regardent le «petit» monde de haut, la France, c’est Léo Ferré, Georges Brassens et Jean Ferrat, mais c’est AUSSI Michel Sardou.
C’est ça que je veux dire.
De même, le Québec c’est Rémi Girard, mais c’est aussi Claude Blanchard, Gilles Latulippe et La Poune.
Quand Claude Blanchard a-t-il commencé à être respecté par «le milieu»? Lorsqu’il a joué dans des séries «sérieuses» comme Omertà ou Music Hall.
Soudainement, il est devenu «monsieur» Blanchard.
Avant, c’était Ti-Claude. Le zouf qui incarnait Nestor.
On n’a pas organisé d’hommage national à Stéphane Venne. OK, pas de trouble.
Mais entre vous et moi, les chansons de Stéphane Venne (Le temps est bon, Et c’est pas fini, Le début d’un temps nouveau) sont aussi importantes pour le Québec que celles des Cowboys Fringants.
Une culture n’est pas faite que de «grandes œuvres» écrites en lettres majuscules.
Une culture, c’est Montréal de Beau Dommage, et c’est Le temps d’une dinde, chantée par Hi! Ha! Tremblay (Michel Barrette).
D’ailleurs, qui a écrit les paroles de ces deux chansons que tous les Québécois connaissent par cœur?
Pierre Huet.
Le même gars!
Qui a composé Les Blues passent pu dans porte (une chanson magistrale) et imaginé des gags pour Surprise sur prise?
Bref, c’est bien de rendre hommage à nos Fiori et à nos Ferland.
Mais n’oublions pas non plus tous nos autres artistes qui ont aussi participé, chacun à sa façon, à dire haut et fort qui nous sommes.
Ginette Reno, c’est la grande chanteuse qui a mis le feu au mont Royal, mais c’est aussi celle qui chantait Les Croissants de soleil à Jeunesse d’aujourd’hui, entre Joël Denis et les Milady’s.
Pourquoi avoir choisi le Québec?
Une question me taraude: si certains immigrants trouvent nos valeurs si épouvantables, s’ils sont contre l’égalité homme-femme, contre la laïcité, contre les cours de sexualité à l’école, s’ils trouvent que les homosexuels ne devraient pas avoir les mêmes droits que les hétérosexuels... que font-ils chez nous?
Pourquoi ont-ils choisi de s’établir ici? Sont-ils masochistes?
Personne ne les oblige à rester! D’autres migrants seraient tout contents, eux, de prendre leur place et de vivre dans une société libre, ouverte et égalitaire!
Ça me fait de la peine de les voir autant souffrir...
RENCONTRES DU 3e TYPE
Ainsi, le Canada aura son Bureau d’ovnis afin «d’aider le public à mieux comprendre certaines observations et ainsi éviter que se propagent de fausses informations».
Vous êtes convaincu d’avoir vu une soucoupe volante? Des experts payés par le gouvernement prendront le temps de vous expliquer que vous avez été victime d’une illusion d’optique...
À quand un Bureau des chemtrails? Des yétis? Des sasquatchs? Des fantômes? Des monstres marins? Des bibittes poilues et griffues qui se cachent sous les lits ou dans les garde-robes?
Après tout, on a de l’argent plein les coffres, au Canada, non?
PAR ICI LES COUCOUS!
Afin de remporter ses élections, Trump a ouvert toutes grandes les portes de son parti aux coucous et aux complotistes, flattant leur paranoïa dans le sens du poil.
Or, aujourd’hui, les coucous qu’il a courtisés lui tombent sur la tomate, car il refuse de dévoiler certains documents secrets qui valideraient leur thèse selon laquelle des multimillionnaires pervers dirigeraient un vaste réseau de pédophiles sataniques tapis dans des sous-sols de pizzérias.
Morale de l’histoire: «Qui sème le vent récolte la tempête».
Ou «Donne à manger à un QAnon et il va chier sur ton perron».