Le projet de loi pour modifier la rémunération des médecins: «Le clou dans le cercueil de la profession»
Des médecins se demandent comment répondre à une demande «aussi loufoque»

Catherine Bouchard et Jean-Philippe Guilbault
Le projet de loi pour modifier la rémunération des médecins présenté jeudi par le ministre de la Santé, Christian Dubé, est «le clou dans le cercueil de la profession», s’inquiète une médecin de famille de la région de la Beauce.
«C’est un manque de respect et un signe d’incompréhension de son propre réseau et, malheureusement, ça va probablement être le clou dans le cercueil de la profession s’il va de l’avant», lance Dre Patricia Caron, médecin de famille à la Clinique médicale de Saint-Gédéon.
Dre Caron a lancé un cri du cœur, sur les réseaux sociaux, à la suite de l’annonce du projet de loi du ministre Dubé qui réclame plus de performance. De nombreux collègues lui ont confié leur désespoir, plusieurs songeant à quitter le bateau de la santé pour un autre domaine, avant de sombrer avec celui-ci. La même question revient sans cesse : « comment peuvent-ils répondre à une demande aussi loufoque?».

«Ce n’est pas parce qu’il va sortir sa loi que tout le monde va avoir des soins. On est déjà en quantité insuffisante et malheureusement, ce que cette loi-là va faire, c’est que les collègues qui y songeaient depuis un moment déjà vont partir», poursuit Dre Caron.
Le médecin de famille estime qu’elle et ses collègues performent dans un système « malade, avec des infrastructures désuètes et des technologies datant des années 70».
Assez du «docteur bashing»
Un peu plus loin au nord, Dre Sophie Leclerc, un médecin de Havre-Saint-Pierre, affirme en avoir assez de «la lourdeur» et du «doctor bashing qui s’intensifie de la part du gouvernement».
Dans un message également publié sur les réseaux sociaux et repartagé des centaines de fois, la jeune médecin de 30 ans affirme multiplier les prises en charge dans la région et que «le citron est pressé».
«Je travaille 60 heures par semaine, je ne prends peu ou pas de vacances, je fais de l’enseignement, je vais en CHSLD, énumère Dre Leclerc. Si on me demande de travailler plus et d’être plus performante, je ne sais pas comment je pourrais le faire.»
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission d’Isabelle Maréchal, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Toucher le fond
Mercredi, le premier ministre François Legault tirait à boulets rouges contre la Fédération des omnipraticiens du Québec, affirmant qu’environ le tiers des médecins «doivent en faire plus».
«Le gouvernement nous demande d’être partout à la fois. Il n’y a rien qui est conséquent là-dedans et les attentes sont absolument irréalistes, dénonce pour sa part la Dre Leclerc. À tourner ça sur des chiffres et sur des indices de performance, on oublie qu’il y a des gens derrière ça qui ont besoin de temps et de soins.»
Dre Caron termine en disant que les élus devraient être à l’écoute des gens sur le terrain pour trouver des solutions et d’être également imputables de la réalité actuelle.
«On s’enfonce depuis des années et là, le fond, on est en train de le toucher. C’est la population qui va payer pour ces mauvaises décisions-là», termine-t-elle.
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