Le président du CA de Bombardier a fait couper des arbres pour améliorer sa vue sur le lac Brome, dénoncent des citoyens

Le président du CA de Bombardier a fait couper la tête d’une centaine d’arbres sur un terrain public devant sa somptueuse résidence en Estrie, semant l’indignation de citoyens qui l’accusent d’avoir agi pour améliorer sa vue sur le lac Brome.

Pierre Beaudoin, qui siège au conseil d’administration du fleuron québécois de l’aéronautique depuis 2004 et qui en a été le PDG de 2008 à 2015, possède une somptueuse maison évaluée à 7,8M$ donnant sur le lac Brome.

L’hiver dernier, il a embauché la compagnie d’émondage EGH inc. pour intervenir sur des arbres situés sur une petite île séparant son terrain du lac sur laquelle passe un sentier très prisé par les cyclistes et les marcheurs.

Cette île appartient à la Municipalité de Lac-Brome.

Le résultat a horrifié plusieurs citoyens, qui ont commencé à remarquer, au cours des derniers mois, que des arbres avaient été étêtés, c’est-à-dire qu’ils ont été coupés à environ la moitié de leur tronc.

«On n’a plus d’ombre sur le sentier. C’est un endroit où beaucoup de monde marche. J’ai dénombré 97 arbres coupés», s’indigne Marc Pelletier, résident de Lac-Brome.

«C’est affreux. Ça n’a aucun sens. On vient ici pour être dans la nature», déplore de son côté la Montréalaise Suzanne Lemire, rencontrée sur le sentier.

Pour libérer sa vue

Plusieurs citoyens rencontrés par Le Journal estiment que M. Beaudoin a fait couper ces arbres, car ils obstruaient sa vue sur le lac. Des photos montrent d’ailleurs que la nouvelle taille des arbres semble alignée avec la maison, située sur une pente.

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Francis Gosselin, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

«Quand tu vas sur le lac, ça saute aux yeux. C’est comme s’il s’était fait une fenêtre», fait valoir Jacinthe Grondin, une citoyenne venue exprimer son mécontentement au conseil municipal lundi soir.

La séance a attiré une centaine de personnes, soit environ cinq fois plus qu’à l’habitude, et la majorité des questions ont porté sur les arbres coupés sur l’île.

Mais le maire Richard Burcombe n’avait pas de réponses à donner sur ce dossier, outre qu’il était «sous analyse» et qu’il faudrait encore plusieurs semaines pour que le public sache quoi que ce soit. C’est également ce qu’il a répondu aux questions du Journal.

Justin Meloche de la firme de relations publiques National, embauchée pour représenter Pierre Beaudoin et l’entreprise EGH, soutient que la Ville a délivré un permis permettant ce qui a été fait sur l’île, une opération qui visait à «entretenir» les arbres, selon sa déclaration. Des employés de la Ville auraient même facilité l’opération sur place en ouvrant des portes menant au pont, dit-il.

«Nous tenons à souligner qu’aucune infraction n’a été commise dans le cadre de cette opération, laquelle a été menée de manière transparente, en conformité avec le permis délivré», a déclaré M. Meloche.

Toutefois, le permis, dont une photo a été transmise au Journal par M. Meloche, cite seulement le terrain de M. Beaudoin et ne fait pas mention d’un quelconque terrain appartenant à la Municipalité.

Travail «épouvantable», dit un émondeur

Jean-François Cloutier, émondeur et président de l’entreprise Arbres Pro-Santé, a été choqué lorsque Le Journal lui a montré des photos des arbres coupés.

«C’est épouvantable. Même si on me donnait 100 000$, jamais je ne ferais une job de même. L’an dernier, j’ai refusé pour à peu près 20 000$ pour des demandes d’étêtage d’arbres.»

Il qualifie même cette technique «d’abattage déguisé», puisqu’elle compromet la survie de l’arbre.

«La maladie, la pourriture s’installent. Au lieu de les abattre dans 20 ans, on va peut-être les abattre dans cinq ans. C’est vraiment néfaste. Ce n’est pas de l’entretien d’arbres.»

– Avec Marianne Langlois