Le président des États-Unis aurait pu être d’origine québécoise, parler en français et... s’appeler Maurice!


Luc Laliberté
Lorsqu’il est décédé en 2021 à l’âge de 91 ans, le New York Times qualifiait Mike Gravel de politicien non conventionnel, une étiquette qui lui sied bien.
Maurice Robert Gravel naît le 13 mai 1930 à Springfield au Massachusetts de parents nés au Québec, le père de Sorel-Tracy et la mère de Saint-Ours. Comme bien d’autres Canadiens français de leur époque, ils sont attirés par des perspectives d’emploi plus avantageuses.

Le troisième d’une famille de cinq enfants, le jeune Maurice fréquentera une école catholique et francophone. Ne sachant pas encore qu’il est atteint de dyslexie sévère, il éprouvera de nombreuses difficultés.
Si l’intérêt du jeune homme pour la politique est évident dès son plus jeune âge (ses parents le surnomment «notre politicien»), ce n’est qu’en 1956 qu’il migre vers l’Alaska, territoire dont il deviendra éventuellement sénateur.
De 1956 à 1968, année où il est élu au sénat, Gravel gravira un à un les échelons. D’abord intéressé par l’immobilier, il a travaillé comme freineur de train avant d’être élu au Congrès lorsque l’Alaska obtient le statut d’État en 1959.

Le sénateur solitaire
Au moins aussi libertarien que démocrate, le sénateur de l’Alaska entre dans l’histoire en raison de son caractère indépendant et audacieux.
Le premier fait d’armes du jeune démocrate est lié à la divulgation de documents secrets, les Pentagon Papers. Gravel est un inconnu du grand public en 1971 lorsque le gouvernement américain s’oppose à la divulgation par le Washington Post et le New York Times d’un dossier partagé par le lanceur d’alerte Daniel Ellsberg.

Alors qu’il se livre à une obstruction systématique, un filibuster, le sénateur de l’Alaska lira des extraits du dossier et obtiendra une importante couverture médiatique.
Son second moment de gloire consiste en un appui à la construction d’un pipeline pour relier l’Alaska à des ports plus au sud.
Le projet de loi avait été retardé pour des motifs environnementaux, mais Gravel s’est assuré la loyauté de ses commettants en collaborant avec l’administration de Richard Nixon.

Évincé du parti démocrate en 1980, Mike Gravel va se rattacher au bon souvenir de ses anciens collègues en déposant sa candidature lors des primaires démocrates de 2007-2008.
Limité dans son budget (il dort dans des hôtels à 55 $ la nuit) et de faibles appuis, il ne fera pas le poids face aux poids lourds de l’époque, le trio constitué d’Hillary Clinton, John Edwards et Barack Obama. Un certain Joe Biden était également dans les rangs.

Plus récemment, «Grandpa Mike» avait défrayé la chronique en raison du caractère singulier de sa seconde candidature pour les primaires démocrates, celles de 2020.
Déjà très âgé et diminué par la maladie, le sympathique vétéran avait accepté de répondre positivement à la demande de trois adolescents, les «Gravel teens» qui souhaitaient organiser sa campagne.
À sa manière, Mike Gravel aura incarné le fameux rêve américain. Fils d’immigrants d’origine modeste, seuls le dur labeur et la chance permettent d’expliquer un parcours peu banal.