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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Le pire moment pour une grève de la construction résidentielle en pleine crise du logement

Chantier de condominiums locatifs mis sur pause le 28 mai 2025 à Laval.
Chantier de condominiums locatifs mis sur pause le 28 mai 2025 à Laval. Photo Martin Alarie
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Photo portrait de Francis Gosselin

Francis Gosselin

2025-05-29T04:00:00Z
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On connaît les faits: trois des quatre secteurs de la construction ont convenu d’augmentations de 22% sur quatre ans. Dans le résidentiel, on n’arrive pas à s’entendre.

Le syndicat exige 24%. Les patrons offrent 18%. Ça n’a pas l’air de grand-chose, mais c’est un gouffre. Dans une industrie correspondant à plus de 30 G$ d’investissements par année, quelques points de pourcentage peuvent faire une grande différence.

L'Association des professionnels de la construction et de l'habitation du Québec (APCHQ) a fait valoir que cela ferait augmenter le prix des propriétés de 55 000$. C’est un peu fallacieux: la différence entre 18% et 24% n’est pas de 55 000$, mais de 4200$.

Les travailleurs du résidentiel font valoir qu’ils sont déjà les parents pauvres de l’industrie et qu’ils sont déjà significativement moins payés que les travailleurs du commercial, qui effectuent des tâches similaires.

Les patrons rappellent que, dans le résidentiel, la part des salaires est plus importante qu’ailleurs et qu’une augmentation salariale va mener à une augmentation du prix des maisons.

Le secteur n’a connu aucun gain de productivité depuis 20 ans.

Il y a du mérite, des deux côtés.

Et donc, la grève.

Le pire moment

À quelques semaines d’une période excessivement chargée, l’interruption des activités survient au pire moment.

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En pleine crise du logement, des milliers de Québécois attendent la livraison prochaine de leur nouvelle maison, de leur nouveau condo. Certains ont donné un préavis en vue de quitter leur logement. Où iront-ils, la veille de passer chez le notaire? Dans un camping? À l’hôtel?

On dit souvent que les grèves prennent la population «en otage». Mais cette fois-ci, la captivité va se faire dehors. Sans domicile.

C’est excessivement stressant. Et en grande partie inutile.

La grève, c’est sortir le bulldozer pour dépoter un géranium.

Sortir de la crise

Il y aurait plusieurs façons de mettre vite fin à cette crise sans nécessairement finaliser tous les détails de la nouvelle convention collective.

D’abord, il faut que les négociations reprennent, de bonne foi. Pas de mises en demeure, pas d’accusations croisées. Une volonté simple et franche de faire converger les positions.

Dans les prochains jours, les médias comme les élus doivent faire en sorte que le ton baisse. L’inverse risque de se produire, mais il est contre-productif.

Si personne ne met d’eau dans son vin, un règlement sera imposé de l’extérieur. Un médiateur, une loi spéciale. Aussi nécessaire cela soit-il parfois, c’est un résultat antidémocratique et qui manque d’imagination. Comme toujours, cela ne satisfera personne, et ne fera que mener à un dénouement encore plus explosif à la prochaine ronde.

Ensuite, promettre la rétroaction. Les syndiqués sont échaudés, car chaque jour, chaque semaine qui passe se traduit par un manque à gagner. Ils ne peuvent pas attendre éternellement, et souhaitent mettre la pression. Historiquement, des clauses de rétroactivité ont permis d’atténuer la colère.

Suite au projet de loi 51 adopté l’an dernier, un Fonds de rétroactivité salariale sera mis en place... à la fin de cette année. Cela devrait faciliter les prochaines négociations.

Mais étrangement, pas celle-ci. C’est comme si on avait oublié.

D’ailleurs, on ne sait toujours pas qui gérera ce fonds, qui y cotisera, de combien il sera doté, mais l’idée est bonne. Comme beaucoup de projets de la CAQ, c’est la mise en œuvre qui laisse à désirer.

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