Le PDG Éric Ducharme intimidait les vérificateurs, au lieu de régler les problèmes financiers causés par le fiasco SAAQclic
«C’était comme se faire cracher dessus», a confié une vérificatrice

Nicolas Lachance
Au lieu de corriger les anomalies causées par le déploiement de SAAQClic, le PDG de la SAAQ Éric Ducharme et la haute direction cherchaient à se défendre au point où des vérificateurs se sont sentis intimidés.
«C’était comme se faire cracher dessus», a confié sous serment l’ex-vérificatrice de la SAAQ Marie-Line Lalonde, devant le commissaire Denis Gallant qui doit faire la lumière sur le fiasco.
Depuis le lancement de SAAQclic, les états financiers de la société d’État sont en déroute. De nombreuses erreurs de programmation empêchaient la SAAQ de percevoir certains droits et taxes.
Par exemple, l’organisation ne récoltait plus la taxe sur les véhicules de luxe de plus de 40 000$. Les propriétaires de ces véhicules ont ainsi pu économiser des milliers de dollars au détriment des finances de la SAAQ.
C’est ce qu’a expliqué Mme Lalonde.
Comptable d’expérience, elle avait pour mandat d’auditer SAAQclic après son lancement, afin de vérifier si la société d’État respectait ses ententes financières envers le gouvernement.
La SAAQ doit percevoir des sommes d’argent pour financer l’amélioration et le développement des équipements et des infrastructures du transport en commun.
Or, en raison de la gestion de SAAQclic, ces dollars n’étaient plus perçus auprès des clients, indique un rapport signé par Mme Lalonde.

En 2024, à la SAAQ, il y avait encore des milliers d’incidents: mauvaise facturation, frais facturés en trop, droits non perçus... Les comptes des clients devaient être corrigés un à un.
Frictions avec Ducharme
La direction de la vérification interne devait alerter la vice-présidente aux affaires numériques, Caroline Foldes-Busque, des problèmes. Même si les erreurs n’étaient pas entièrement réglées, elle assurait au nouveau PDG, Éric Ducharme, que les correctifs avaient été apportés.
«Monsieur Ducharme croyait beaucoup plus Mme Foldes-Busque que nous», a expliqué Marie-Line Lalonde, qui a quitté la SAAQ en juillet 2024.
«On voulait collaborer avec lui», a-t-elle ajouté.
Or, lors des étapes de validation des rapports avec la haute direction, les vérificateurs avaient peur, selon un document exposé devant la commission Gallant. Il y avait de l’intimidation, des débats interminables sur les formulations et peu d’écoute de la part de la gouvernance, selon les notes des vérificateurs.
Chaque demande était contestée, mentionnent-ils. Les constats et les rapports étaient systématiquement minimisés.
À la suite d’une rencontre tendue avec le PDG en janvier 2024, les vérificateurs ont compris que rien ne changerait.
«Il avait un langage non verbal tellement fermé, c’était tellement froid comme approche. Il ne nous regardait à peu près pas dans les yeux. Il était comme ça, dans sa chaise, les deux bras croisés. Puis, il ne répondait rien.», a-t-elle mentionné.
«Ça devenait très lourd. J’ai commencé à regarder ailleurs». Plusieurs ont mis à jour leur curriculum vitae. Sur huit vérificateurs, trois ont rapidement démissionné, suivis par d’autres.
Moins de vagues
Le PDG souhaitait une direction de la vérification qui ferait moins de flammèches et «moins de vagues», a-t-elle signalé.
À la suite du fiasco, la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, avait limogé le PDG Denis Marsolais, le remplaçant par Éric Ducharme avec pour mission d’évaluer le travail de la direction et de rétablir la confiance du public envers la SAAQ. Pourtant, les vérificateurs avaient l’écoute de Marsolais, contrairement à Ducharme.
Rappelons que depuis le lancement de SAAQclic, la vice-présidence aux finances navigue à l’aveugle, ignorant l’origine précise des fonds versés par les clients. Les vérificateurs du rapport annuel n’ont pu confirmer l’exactitude des états financiers depuis 2023, à cause d’un environnement informatique jugé non fiable.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.