Le PDG de la SAAQ a avisé le cabinet du ministre Bonnardel qu’on lui cachait l’explosion des coûts de SAAQclic

Nicolas Lachance
L’ex-PDG de la SAAQ a informé le cabinet de François Bonnardel que ses vice-présidents mentaient sur les coûts de SAAQclic et qu’un extra de 222 millions $ allait bientôt faire exploser la facture.
• À lire aussi: L’UPAC mène une perquisition au siège social de la SAAQ, pendant que l’ex-PDG Denis Marsolais témoigne devant la commission Gallant
• À lire aussi: [À VOIR] Fiasco SAAQclic: une vérificatrice dénonce en pleurs la culture néfaste de la SAAQ
«J’avais un malaise profond», a déclaré Denis Marsolais, qui a dirigé la SAAQ de janvier 2022 à avril 2023.
Dès juin 2022, les fonds du projet SAAQclic étaient presque épuisés.
Le budget initial du projet CASA/SAAQclic s’élevait à 680M$, incluant un contrat-cadre de 458M$ avec l’Alliance, les ressources internes de la SAAQ et les frais d’exploitation jusqu’en 2027.
La haute direction a convenu qu’un montant additionnel de 222M$ serait nécessaire pour compléter la transformation numérique.
Le 8 juin 2022, le PDG et trois vice-présidents rencontrent Alain Généreux, attaché politique du ministre, pour faire le point sur le projet. Un document est alors présenté, affirmant qu’une «stratégie contractuelle» permettrait de poursuivre les travaux sans dépasser le budget de 682M$. Le contrat de 458M$ y est aussi présenté comme intact.
Denis Marsolais assiste à la rencontre, menée par les v.-p. Karl Malenfant, Dave Leclerc et Francine Lepinay, tout en sachant que les informations transmises sont fausses.
«Ça fait dur», a commenté le commissaire Denis Gallant.
• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Alexandre Dubé, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Révélation en privé
Incommodé, Marsolais demande une rencontre privée avec Généreux pour lui dire la vérité. «C’était faux, c’est pour ça que j’ai réagi», a-t-il déclaré sous serment, admettant que la manière de «donner l’heure juste» était peut-être «discutable».
Il affirme avoir informé le gouvernement que les coûts grimperaient de 222M$ pour compenser des dépenses liées à un litige avec l’Alliance SAP-LGS. Le cabinet était au courant de cette entente, selon lui.
Le ministre François Bonnardel a pourtant toujours soutenu avoir été «trompé».
«On nous a menti», avait déclaré le ministre Bonnardel, ajoutant que la SAAQ ne lui avait pas présenté de dépassement de coûts de cette ampleur. «Il n’y en avait pas! Je me protège comment contre le mensonge?»
En 2020, à la suite de ce litige, la SAAQ devait réinjecter 135M$ pour compléter le projet. Plutôt que de demander des fonds supplémentaires, elle a puisé dans l’enveloppe initiale de 458M$ réservée aux autres volets du projet. Une fois les fonds épuisés, la direction de la SAAQ devait maintenant réclamer de nouvelles sommes.
SAAQclic devrait coûter au moins 1,1 milliard $ aux contribuables, soit plus du double du budget initial, selon le Vérificateur général du Québec. Malgré les mensonges et les documents erronés, aucune sanction n’a été imposée, a confirmé Marsolais. «Aucune tête n’a roulé», a-t-il admis au commissaire Gallant.
Confiance en Malenfant
D’ailleurs, malgré les signaux financiers et des tests inquiétants, Marsolais croyait au succès de SAAQclic. Karl Malenfant, responsable du projet, rassurait tout le monde. Il était même cité en exemple par Pierre Rodrigue, patron de l’informatique au gouvernement, et par le Conseil du trésor.
«Le train CASA/SAAQclic roulait à pleine vapeur depuis 2014», a-t-il dit. «Tout était déjà attaché.» Il a ajouté que Malenfant «connaissait bien son dossier» et était «une personne fort intelligente».
Les indicateurs présentés au PDG étaient au vert. «Je n’ai pas pris un risque. Ce n’est pas moi qui branche les fils», a-t-il lancé. «Ça ne s’est pas fait sur le coin d’une table de restaurant.»
Marsolais était en poste lors du déploiement raté de SAAQclic. Il a été remercié, puis nommé président de l’Office de la protection du consommateur par le gouvernement de la CAQ en février 2024.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.