Le «passeport vaccinal» est-il bien nommé?

Caroline Morgan est traductrice agréée
Parfois, il suffit de renommer une chose pour que sa perception change. C’est pourquoi le « suceur cuivré », ce poisson du sud-ouest du Québec, a été renommé le « chevalier cuivré » pour mieux sensibiliser la population à sa préservation.
C’est pourquoi le terme « passeport vaccinal » semble un choix étrange pour désigner le document autorisant la fréquentation de certains lieux. En effet, le passeport, selon le Robert en ligne, est une « pièce certifiant l’identité et la nationalité, délivrée par une autorité administrative à un ressortissant pour lui permettre de se rendre à l’étranger ».
Le Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNTRL) donne plusieurs autres définitions historiques et contextuelles, mais elles confirment toutes la même chose : dans son sens concret, le passeport est conçu pour permettre à son détenteur de circuler d’un territoire à un autre, généralement d’un pays à l’autre. Il n’est pas précisément conçu pour donner accès à des restaurants, à des gyms ou à d’autres lieux publics.
Par ailleurs, lorsqu’on entend « passeport », on pense aux questions des douaniers, aux appareils de détection servant à examiner nos corps et nos bagages, à l’attente interminable avant de pouvoir monter dans l’avion. Pas étonnant que le terme soulève tant d’aversion, surtout chez une partie de la population déjà méfiante contre toute mesure de santé publique.
D’autres options possibles
Le français offre pourtant d’autres options. « Laissez-passer » vient tout naturellement en tête. Sa définition donnée par le Robert en ligne est : « Pièce autorisant une personne à circuler librement. » Le CNTRL donne ce qui suit : « Pièce délivrée par une autorité, habilitant une personne à entrer, à sortir, à circuler librement dans une enceinte ou sur un territoire soumis à une réglementation. »
Pour faire plus court, on pourrait recourir à « passe », dont l’une des définitions données par le CNTRL est la suivante : « Permis de passage, laissez-passer ». Comme le mot est déjà couramment employé au Québec pour désigner des titres de transport et des cartes d’abonnement, le gouvernement pourrait s’en servir pour désigner ce précieux sésame qui nous sera bientôt très utile. Du même coup, il pourrait éviter le choix très paresseux de « pass », que nos cousins outre-mer ont directement calqué de l’anglais.
Le mot « permis » paraît moins indiqué. Il ne s’applique habituellement qu’à l’autorisation d’exercer certaines activités (conduite, chasse, etc.) et non à la fréquentation de certains lieux.
Que préféreriez-vous la place du « passeport vaccinal »? La « passe vaccinale », la « passe sanitaire », le « laissez-passer vaccinal », le « laissez-passer sanitaire »? Ce dernier choix semble mieux construit et contribuerait à donner une connotation moins lourde à cette nouvelle obligation pour accéder aux services non essentiels.

Caroline Morgan,
Saint Lambert,
Traductrice agréée, membre de l'Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec