Abus dans les pensionnats: le pape François présente ses excuses
Agence QMI et Agence France Presse
Le pape François a présenté vendredi des «excuses» historiques pour le drame des violences perpétrées pendant des décennies dans des pensionnats pour autochtones au Canada administrés par l’Église, et exprimé son souhait de se rendre dans le pays fin juillet.
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Très attendues, ces excuses ont aussitôt été saluées par les délégations autochtones comme «une pièce essentielle du puzzle» dans la voie vers la réconciliation, et comme une «étape importante» par le premier ministre canadien Justin Trudeau.
«Je demande pardon à Dieu pour la conduite déplorable de ces membres de l’Église catholique» et «je m’unis à mes frères évêques canadiens pour vous présenter des excuses», a déclaré le pape lors d’une audience au Vatican devant des délégations des Métis, Inuits et des Premières nations.
Listening to the voices of the brothers and sisters of the Indigenous Peoples of Canada, I heard the suffering, hardship, discrimination and various forms of abuse experienced, particularly in the residential schools. I bear these stories with great sorrow in my heart.
— Pope Francis (@Pontifex) April 1, 2022
Plus tôt cette semaine, ces délégations formées de 32 représentants autochtones et d’évêques canadiens avaient présenté au souverain pontife des témoignages de survivants de ces pensionnats administrés par les Églises catholique et anglicane.

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«Par vos voix, j’ai porté en moi, avec une grande tristesse dans le cœur, les récits de souffrances, de privations, de traitements discriminatoires et diverses formes d’abus subis par plusieurs d’entre vous, notamment dans les pensionnats», a déclaré le souverain pontife de 85 ans.
I feel shame for the role that a number of Catholics with educational responsibilities have had in the abuse and lack of respect for the identity, culture and spiritual values of the Indigenous Peoples in Canada. All these things are contrary to the Gospel of Jesus Christ.
— Pope Francis (@Pontifex) April 1, 2022
Jorge Bergoglio a exprimé sa volonté de se rendre au Canada aux alentours de la Sainte-Anne — célébrée le 26 juillet et qui occupe une place importante dans les cultures autochtones — pour exprimer sa «proximité» avec ces peuples amérindiens. «J’aimerais être avec vous cette année», mais «je ne viendrai pas en hiver !», a-t-il plaisanté.
«Gravé dans l’Histoire»
Sur un ton plus grave, visiblement marqué par les témoignages, le pape a fait part de sa «honte» et de son «chagrin» pour le rôle de certains catholiques, «en particulier ceux qui ont des responsabilités éducatives», dans «les abus que vous avez subis et le manque de respect envers votre identité, votre culture et même vos valeurs spirituelles».

«Les mots du pape étaient historiques et nécessaires et je les apprécie profondément. J’attends désormais sa venue au Canada où il pourra présenter ces excuses sincères directement à nos survivants et à leurs familles», a déclaré aux journalistes Cassidy Caron, présidente du Ralliement national des Métis, à l’issue de la rencontre.
«Aujourd’hui est un jour que nous attendions (...) et certainement un jour qui restera gravé dans l’histoire», a réagi lors d’une conférence de presse Gerald Antoine, chef régional de l’Assemblée des Premières Nations. «Nous acceptons ces excuses comme un geste de bonne foi.»
La découverte de centaines de sépultures d’enfants anonymes ces derniers mois a secoué le Canada et beaucoup de survivants attendaient un geste fort du pape. En septembre, l’Église catholique du Canada avait présenté des excuses officielles aux peuples autochtones.

Entre la fin du XIXe siècle et les années 1980, quelque 150 000 enfants autochtones ont été enrôlés de force dans plus de 130 pensionnats à travers le pays, où ils ont été coupés de leur famille, de leur langue et de leur culture.
Des milliers n’en sont jamais revenus. Les autorités estiment leur nombre entre 4 000 et 6 000. En 2015, une commission d’enquête nationale avait qualifié ce système de «génocide culturel».
«Colonisation idéologique»
Depuis bientôt un an, plus de 1 300 tombes d’enfants anonymes ont été retrouvées sur les sites d’anciens pensionnats, et de multiples recherches se poursuivent à travers le pays.
Les délégations canadiennes entendaient discuter avec le pape argentin, qui a fait de la défense des minorités une des priorités de son pontificat, de «l’impact du colonialisme» sur les populations autochtones.

À cet égard, le pape a évoqué vendredi «le drame» du «déracinement». «La chaîne qui a transmis les savoirs et les modes de vie, en harmonie avec le territoire, a été rompue par la colonisation», a dénoncé François.
Celle-ci a «arraché beaucoup d’entre vous à leur environnement vital et a tenté de vous conformer à une autre mentalité», a-t-il souligné, fustigeant la «colonisation idéologique» et l’«action d’assimilation» dont «tant d’enfants ont été victimes». «Votre identité et votre culture ont été blessées, de nombreuses familles séparées», a-t-il déploré.

Après avoir entendu des chants traditionnels locaux, le pape a offert aux délégations une branche d’olivier en bronze et a reçu plusieurs dons symboliques, dont une croix de la délégation inuite et des raquettes traditionnelles.
- Écoutez l'entrevue avec Mandy Gull-Masty, grande cheffe du Grand Conseil des Cris du Québec et membre de la délégations d’autochtones canadiens au Vatican sur QUB radio :