Le «Oui, mais...», ou quand les électeurs pardonnent tout à Mark Carney


Philippe Léger
À chaque élection sa question de l’urne.
Pour ces élections-ci, elle est claire, nette et précise. Elle tient à «qui est la meilleure personne pour faire face à Trump?».
Mais ce sur quoi on s’interroge moins, c’est la réponse de l’urne.
Je crois la résumer par ceci: «Oui, mais...»
N’est pas Trump ni Poilievre
Qu’il sorte victorieux ou non, avec ou sans majorité, Mark Carney aura réussi un petit miracle: ressusciter un Parti libéral moribond, que l’on voyait relégué au rang de quatrième parti à l’automne dernier.
Et ce, malgré une campagne aussi fade qu’ennuyante.
Implication dans les stratagèmes des paradis fiscaux? Le déménagement à New York d’une filiale de sa compagnie d’investissement en début de guerre commerciale? Maîtrise douteuse du français? Refus d’affronter les médias? Mensonge sur ses conversations avec Trump?
Toutes ces controverses auraient pu être fatales dans une campagne normale.
Mais la réponse des électeurs?
«Oui, mais... Trump.»
Carney propose un recentrage des libéraux en abolissant la taxe carbone, en dégommant Steven Guilbeault de l’environnement, en promettant une baisse d’impôt et des investissements massifs dans la défense ainsi qu’en proposant que le Canada devienne une «superpuissance énergétique».
Et il réussit à plumer le NPD et à récupérer le vote progressiste.
«Oui, mais... ce n’est pas Poilievre», disent-ils.
Pardon providentiel
Carney a été conseiller économique pendant l’ère Trudeau, et fait campagne avec les mêmes ministres et un cadre financier encore plus dépensier que ceux et celui des années Trudeau.
«Oui, mais... ce n’est pas Trudeau, c’est un banquier.»
Mark Carney n’a montré aucun intérêt pour le Québec, a une connaissance médiocre du Québec, et adopte des positions antinationalistes.
Et bien des nationalistes et indépendantistes se tournent maintenant vers lui.
«Oui, mais... juste cette fois-ci», disent-ils.
Toute la dynamique de cette campagne électorale aura été marquée par un pardon providentiel des électeurs à Mark Carney. Reste à voir si cette clémence durera jusqu’à lundi.