Des États américains bannissent l'avortement
Après 49 ans, la Cour suprême des États-Unis révoque le droit d’interrompre volontairement une grossesse

Olivier Faucher
La très conservatrice Cour suprême des États-Unis a décidé d’en finir hier avec le droit à l’avortement qu’elle avait garanti il y a près de 50 ans. Une poignée d’États en ont profité pour bannir immédiatement les interruptions de grossesse sur leur sol.
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Dans une volte-face historique, six juges sur neuf ont invalidé entre autres le jugement Roe v. Wade datant de 1973, qui garantissait depuis cette date le droit à l’avortement chez nos voisins du sud, mais qui n’avait jamais été accepté par la droite religieuse.
Neuf États contrôlés par des républicains, dont le Missouri, l’Alabama, le Wisconsin et le Kentucky, ont rapidement interdit l’avortement dans les heures suivant la décision et quatre autres le feront dans le prochain mois. En tout, plus de la moitié des cinquante États américains pourraient bientôt les imiter.
🚨 BREAKING 🚨 Following the SCOTUS ruling overturning Roe v. Wade, Missouri has just become the first in the country to effectively end abortion with our AG opinion signed moments ago. This is a monumental day for the sanctity of life. pic.twitter.com/Jphy72R4rq
— Attorney General Eric Schmitt (@AGEricSchmitt) June 24, 2022
We have prayed for this day, and now it's here. Legislative leaders and I have jointly announced plans for a special session to save lives and help mothers later this year.
— Governor Kristi Noem (@govkristinoem) June 24, 2022
Learn more here: https://t.co/ZGhlioAZkl
I have been clear in stating I am pro-life. We have an opportunity to make progress in protecting the sanctity of life, and that’s exactly what we will do.
— Governor Eric Holcomb (@GovHolcomb) June 24, 2022
Femmes en danger
« La santé et la vie des femmes de ce pays sont maintenant en danger », a dénoncé le président Joe Biden, déplorant un « triste jour » pour l’Amérique.
« Cette décision est le résultat d’un effort délibéré depuis des décennies pour rompre l’équilibre de notre droit », a-t-il déclaré.
À l’inverse, son prédécesseur Donald Trump s’en est réjoui, notamment en déclarant sur les ondes de Fox News que la décision répondait à « la volonté de Dieu. »
« L’arrêt d’aujourd’hui, qui est la plus grande victoire pour la vie depuis une génération, avec d’autres décisions récentes, a été rendu possible seulement, car j’ai tenu mes promesses, notamment en nommant et installant trois constitutionnalistes très respectés et solides à la Cour suprême des États-Unis », a-t-il ensuite affirmé.
« La Constitution ne fait aucune référence à l’avortement et aucun de ses articles ne protège implicitement ce droit », a écrit le juge Samuel Alito au nom de la majorité. Le jugement Roe v. Wade « était totalement infondé dès le début » et « doit être annulé ».
Il y a 49 ans
Roe v. Wade avait statué il y a 49 ans que le droit à la vie privée en vertu du quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis incluait le droit d’une femme d’interrompre ou non sa grossesse.
« Il est temps de rendre la question de l’avortement aux représentants élus du peuple » dans les parlements locaux, a écrit le juge Alito.
Cette formulation est semblable au brouillon de jugement qui avait fait l’objet d’une fuite médiatique inédite début mai, provoquant des manifestations dans tout le pays et une vague d’indignation à gauche.
La décision d’hier a provoqué une nouvelle vague de manifestations, notamment à Washington, devant le bâtiment de la Cour suprême.
Ce recul pour les droits de millions de femmes si près de chez nous suscite la colère dans les milieux féministes québécois.
« Je n’ai pas de mots pour dire comment c’est douloureux, a exprimé la militante Louise Desmarais, qui a lutté toute sa vie pour le droit à l’avortement. C’est difficile à accepter de voir qu’on va revenir 50, 60, 70 ans en arrière pour une grande partie des États américains où les femmes vont être traitées comme du bétail. »
Haut-le-cœur
« J’ai eu un petit haut-le-cœur, un genre de malaise carrément physique [en apprenant la nouvelle], témoigne Louise Moisan, militante féministe de longue date. [...] Le fait que 52 % des Américains étaient en faveur du maintien de ce droit et que cinq monsieurs renversent ça, c’est ahurissant. »
Si elles estiment que notre système et nos institutions sont mieux protégés contre un tel recul, ces militantes croient qu’il faudra être plus vigilant à l’avenir.
« Pour moi, le risque est plus au niveau de la montée du conservatisme dans nos sociétés qui véhicule des valeurs qui sont pour la plupart du temps antiféministes », s’est inquiétée Mme Desmarais.
« Le Québec n’est pas à l’abri de ça », a-t-elle ajouté, en parlant de l’immense influence culturelle qu’ont les États-Unis.
-Avec l’AFP et l’Agence QMI

CE QU'ILS ONT DIT
«Aucun gouvernement, aucun politicien, ni aucun homme ne devraient dicter à une femme ce qu’elle peut faire ou ne pas faire avec son corps. Je tiens à ce que les Canadiennes sachent que nous allons toujours défendre votre droit de choisir. »
-Justin Trudeau, premier ministre du Canada
«Je dis toujours que quand un groupe de femmes recule, ça rejaillit sur toutes les femmes et ça nous fragilise. »
-Louise Desmarais, militante féministe depuis 50 ans
«La décision met en danger d’autres droits à la vie privée, comme la contraception et les mariages homosexuels »
-Trois juges de la Cour suprême qui ont voté contre le jugement
Des moments sombres pour les femmes

Le Journal vous invite à suivre sa journaliste Clara Loiseau, arrivée à Washington hier, pour rendre compte de la profonde division de nos voisins du Sud sur le droit à l’avortement. Comment les femmes, jeunes et moins jeunes, vivront-elles avec ce recul historique alors que près de la moitié des États américains veulent interdire les interruptions volontaires de grossesses ?
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