«Le dimanche, il mouille encore à siaux..»: un week-end de camping sous la pluie dans le Parc de la Mauricie


Marie-France Bornais
Bien malin qui peut prévoir, en faisant ses réservations des semaines à l’avance, les humeurs de Dame Nature au moment d’un séjour de camping. Autant vous dire que ma première sortie de l’année, au Parc national de La Mauricie, a été pas mal froide, bien arrosée et venteuse à souhait. Mais le malheur des uns fait parfois le bonheur des autres: la route Promenade quasi déserte fournit des occasions uniques pour observer la faune du Parc. Ours, orignaux, renards, dindons sauvages, oiseaux chanteurs, concerts de grenouilles: c’est une fête!

Il fait chaud et l’air est chargé d’humidité lorsque je franchis la guérite du Parc à Saint-Jean-des-Piles, la «capitale du canot». Je suis en pays connu, ayant fréquenté le Parc dès son ouverture en juin 1977.
Un beau grand site de camping dans le secteur de Rivière-à-la-Pêche m’attend: entouré de pins et de bouleaux, gravelé, bien nivelé, équipé d’un foyer pour les feux de camp et d’une lourde table à pique-nique. Des voisins pas trop proches. Un bloc sanitaire super-propre à 200 pas.
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Je m’installe, accompagnée d’une cohorte normale de maringouins. Il fait beau... mais pas pour longtemps. «Ils disent: 100% de chance de pluie demain», confirme le préposé de la cour à bois en consultant son téléphone. Je suis distraite par le curieux buzzer d’une bécasse d’Amérique dans le sous-bois.
Le concert de grenouilles
C’est l’heure dorée: je vais faire un tour au lac Bouchard qui n’est pas bien loin. J’écoute un concert de grenouilles, les longues plaintes d’un huard, au loin, puis je retourne au campement à l’heure bleue. Noir sur fond noir, un ours traverse la route à la course.
Je mange distraitement, hypnotisée par les flammes du feu de camp, tandis que les voisins étendent une bâche sur leur tente (sage décision). Une mouffette rayée nous rend visite.
Un samedi frette
Le mercure a dégringolé de 22 °C à 7 °C pendant la nuit. Il pleut. Il vente. Je me fais un café. La quiétude du parc est parfaite pour explorer les multiples haltes de la route Promenade (63 km) qui relie l’entrée de Saint-Jean-des-Piles à celle de Saint-Mathieu-du-Parc.
J’arrête au belvédère du Saint-Maurice où s’engouffre un bon vent du nord. Vagues et moutons sur la rivière que les Algonquins appelaient Metaberoutin: «Décharge des vents». La drave a perduré ici jusqu’en 1995.
Au lac Bouchard, je m’abrite sous le kiosque. C’est un très bel endroit pour mettre son kayak ou son SUP à l’eau par beau temps. Dans le marais, j’aperçois un grand harle et une famille de bernaches. Une petite buse siffle au-dessus de ma tête. Les grenouilles, découragées par le froid, ont fermé boutique. Je fais de même.
Un dimanche sous la pluie
Le dimanche, il mouille encore à siaux, mais je retourne sur la route Promenade. Dans les virages en lacet conduisant au fameux belvédère du Passage, fermé pour réparations cette année, un orignal sort du bois. Inquiet, il zigzague sur la chaussée.
Ses sabots résonnent sur la route déserte. Il pique une tête entre les arbres, fonçant dans une ouverture connue de lui seul, un peu comme le quai 9 3/4 de King’s Cross dans Harry Potter. Dans son monde.
J’arrête au belvédère du Vide-Bouteille pour admirer les contours du mythique lac Wapizagonke. J’immortalise la légendaire «chaise rouge géante». Au ruisseau Brodeur, j’aperçois un autre orignal. Je vais à l’Esker: il n’y a personne. Sur le chemin du retour, un ours rentre dans le bois. Je retourne moi aussi dans ma tanière sur roues.



<ENCADRÉ>
Bon à savoir:
Les droits d’accès quotidiens sont exigibles (en plus du tarif des emplacements de camping). On peut acheter la carte d’entrée «Découverte annuelle».
On peut réserver les emplacements de camping d’avant-pays et d’arrière-pays, les emplacements de canot-camping et les unités de prêt-à-camper, dans le site reservation.pc.gc.ca ou en téléphonant au 1 877 RESERVE.
Les sites de camping peuvent accueillir tout type d’équipement: tentes, tentes-roulottes, roulottes, VR, etc.
Certains sites sont équipés de bornes électriques 15/30 A.
Il y a des points d’eau potable sur les terrains de camping.
Les blocs sanitaires sont équipés de douches gratuites et d’éviers pour laver la vaisselle.
Les abris de cuisine sont chauffés et équipés d’un poêle à bois.
Il faut acheter et brûler son bois sur place pour les feux de camp, afin d’éviter la propagation d’insectes nuisibles (bois et glace en vente à la cour à bois des campings).
La vitesse est limitée à 50 km/h sur la route Promenade, fréquentée par de nombreux cyclistes.
Sachez reconnaître l’herbe à la puce: elle est bien présente le long des sentiers et sur les terrains de camping.
La présence des animaux domestiques est réglementée.
La portion du sentier Mékinac qui longe la rivière Saint-Maurice est fermée à cause de glissements de terrain.
L’utilisation de drones est interdite.
Renseignements: Parcs.Canada.ca
- Marie-France Bornais est journaliste et auteure de plusieurs guides de voyages publiés aux Éditions de l’Homme.
- Elle a écrit le livre à succès Le Québec en camping et Le Nouveau-Brunswick en camping (prix national TMAC – Meilleur guide de voyage – 2e place au Canada).
- Elle a aussi écrit le guide pratique Camping 101 et le guide de voyage Escapades américaines (Vermont, New Hampshire, Upstate New York).
