Le maire Marchand recule sur le troisième lien

Karine Gagnon
COPENHAGUE | Après s’être montré la veille très favorable à un troisième lien exclusivement réservé au transport collectif, au sortir d’une présentation à Malmö, où un tel projet est en voie de réalisation, Bruno Marchand a cru bon de revenir sur ses propos et de faire marche arrière.
Il est quand même étonnant de voir à quel point le maire de Québec marche sur des œufs lorsqu’il est question du troisième lien. Depuis son arrivée au pouvoir, même s’il aurait eu toutes les raisons de se positionner contre, le maire de Québec se montre très hésitant à se prononcer.
Sans doute soucieux, entre autres, de ménager ses rapports avec le gouvernement caquiste, avec qui les relations sont bonnes depuis plusieurs mois et avec qui il négocie pour les coûts du tramway, il répète attendre les études et les données. Il s’inquiète, avec raison d’ailleurs, pour l’étalement urbain qui pourrait en découler.

Depuis quelques mois, le maire a cependant commencé à dire qu’il fallait un transport structurant lourd. Samedi, en Suède, il était clairement allé encore plus loin, se montrant largement favorable à ce que le tunnel Québec-Lévis soit réservé au transport collectif.
Alors que les textes rapportant ses propos, dont le mien, étaient en ligne depuis tôt en soirée (heure de Copenhague), il a cependant choisi de reculer le lendemain midi. Il aurait pourtant eu de multiples occasions, s’il estimait avoir été lésé, de chercher à le faire valoir plus tôt.
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Un projet inspirant
Pour la petite histoire, Bruno Marchand a passé la journée de samedi à Malmö, en Suède, où les autorités municipales ont présenté un exposé sur l’histoire de cette ville considérée comme un modèle de développement durable dans le monde.
Il a notamment été question d’un projet de tunnel évalué à environ 6,4 milliards de dollars canadiens (quatre milliards d’Euros), qui compte une vingtaine de kilomètres, et qui sera réservé exclusivement au transport collectif. Un métro y circulera. La construction doit débuter en 2028, et se terminer en 2035.
Cette infrastructure viendra s’ajouter à l’Oresundsbron, pont-tunnel de 16 kilomètres qui relie Malmö à Copenhague, au Danemark, depuis 23 ans. Des discussions ont cours, comme nous l’a exposé Stefana Hoti, élue responsable de la planification urbaine à Malmö, pour retirer éventuellement les quatre voies automobiles qui s’y trouvent, pour ne conserver que les voies où circule le train.
Mme Hoti a expliqué que «ça coûte toujours moins cher lorsqu’on ne construit pas pour les voitures», et qu’il n’y avait même pas eu de discussions pour savoir si on devait inclure des voies automobiles dans le nouveau tunnel.
Au sortir de la rencontre, je demande à Bruno Marchand ce qu’il pense du projet de tunnel de Malmö dédié à un métro. Il répond qu’il «pense que ça doit nous inspirer».
Puis, le maire s’est fait demander si le gouvernement du Québec ne devrait pas faire comme lui, et venir s’inspirer de cette ville-là (Malmö) qui, pour son prochain tunnel, va construire exclusivement une ligne de métro.
M. Marchand a répondu textuellement ceci: «Le gouvernement trouvera inspiration là où il la cherche. Si on veut répondre à des enjeux écologiques, à des enjeux de déplacer des gens, si on veut augmenter la fluidité des déplacements, le transport collectif est une excellente solution et on milite pour ça dans le tunnel depuis longtemps, pas juste des voies réservées en partie, mais des voies réservées en tout temps, pour transporter beaucoup de monde, nous on y croit c’est sûr.»
Le premier élu a ensuite ajouté qu'«après ça, au gouvernement de démontrer le coût, l’impact que ça a, les coûts qu’il devra débourser pour ça, mais la tendance elle est mondiale. La tendance en aménagement elle est aussi mondiale [...]»
Or ce midi, Bruno Marchand a indiqué aux journalistes qu’il avait plutôt dit «que ça prend un transport collectif qui est de haute capacité dans le troisième lien. Pour la partie autoroutière, pour moi je ne me mêle pas de ça.»
Le maire a aussi déclaré que «la partie autoroutière, le gouvernement décidera de ce qu’il fait avec [...] Je ne connais pas le projet, alors je ne vais certainement pas me positionner pour le projet [...]»
Revirement étonnant
J’ai pourtant passé la soirée de samedi à dimanche au même endroit que le maire, avec une bonne partie de la délégation de Québec. Les journalistes étaient aussi présents ce matin, lors d’un tour guidé à vélo de la ville de Copenhague auquel il participait, et qui a duré trois heures. Sa directrice adjointe de cabinet était présente à tous ces événements.
Or jamais personne, y compris le maire, n’a cru bon de glisser un mot concernant sa position de la veille sur le troisième lien, qui faisait pourtant l’objet d’une abondante couverture dès samedi en début de soirée. S’il avait réellement contenu des erreurs ou si les propos n’avaient pas été exacts, il me semble qu’on se serait empressé de tenter de corriger le tir.
Il en ressort que le maire de Québec continue de marcher sur des œufs, en ce qui concerne le troisième lien. Une position qui devient de plus en plus intenable, d’autant plus alors qu’il défend énergiquement le développement et le transport durable qui implique le transport collectif, les déplacements à vélo et à pied. Il en fait d’ailleurs une promotion acharnée et convaincue, qui est très convaincante, depuis son arrivée dans les pays nordiques, jeudi.
J’écrivais cette semaine qu’il fallait des élus courageux pour amorcer d’importants virages sur les déplacements dans les villes. Bruno Marchand doit s’assurer de faire des réserves, et vite, s’il veut mettre de l’avant sa vision ambitieuse et prometteuse, qui a de quoi inspirer beaucoup de gens à Québec, dont la jeunesse. Québec en a grandement besoin.