Le maire d’Istanbul envoyé en prison: ce que l’on sait

AFP
Le maire d’opposition d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, accusé de «corruption», a été incarcéré dimanche après avoir été démis de ses fonctions.
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Voici ce que l’on sait de cette affaire qualifiée de «coup d’État politique» par sa formation, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate et laïc), la première force d’opposition au président Recep Tayyip Erdoğan.
Qui est Ekrem Imamoglu?
Le maire d’Istanbul, élu en 2019 et réélu triomphalement l’an dernier, fait figure d’opposant numéro un au président Erdoğan.
En ravissant la plus grande ville de Turquie (près de 16 millions d’habitants) et la plus riche, l’édile de 53 ans est devenu l’homme à abattre pour le parti AKP au pouvoir et le chef de l’État.

Que lui reproche la justice?
Le maire a été arrêté mercredi à l’aube pour «corruption» et «soutien à une organisation terroriste» en raison d’un accord électoral entre son parti et une formation prokurde, que les autorités accusent de liens avec le Parti des travailleurs du Kurdistan, un groupe armé considéré comme terroriste par Ankara.
L’ordonnance de placement en détention provisoire, dont l’AFP a obtenu copie dimanche, stipule que «le suspect Ekrem Imamoglu est placé en détention pour avoir établi et dirigé une organisation criminelle; accepté des pots-de-vin; corruption; enregistrement illégal de données personnelles et trucage d’appels d’offres».

En revanche, poursuit-elle, « bien qu’il existe un fort soupçon de culpabilité pour le crime de soutien à une organisation terroriste armée [...], il n’est pas nécessaire à ce stade» d’ordonner sa détention dans ce volet «puisqu’il a déjà été décidé de l’incarcérer pour des crimes financiers».
M. Imamoglu a été conduit dimanche à la prison de Silivri, à l’ouest d’Istanbul, avec plusieurs coaccusés.
Il avait auparavant été démis de ses fonctions de maire, selon le ministère turc de l’Intérieur.
Le CHP dans le viseur
Outre le maire d’Istanbul, quelque 90 personnes ont été arrêtées mercredi, dont deux maires d’arrondissement de la mégapole turque visés dimanche par des ordres de détention pour «corruption» et «terrorisme».
Les deux élus sont membres du CHP, un parti fondé par Mustafa Kemal, le père de la République turque, qui dispose de 134 sièges de députés au Parlement, contre 272 pour l’AKP.
Lors d’élections locales tenues en mars 2024, le parti a conquis 35 des 81 capitales provinciales, 11 de plus que l’AKP, conservant ou l’emportant dans la plupart des grandes villes comme Ankara, la capitale, Izmir, Antalya et l’importante cité industrielle de Bursa.

Investiture à la présidentielle de 2028
Ekrem Imamoglu devait être investi dimanche candidat de son parti pour la prochaine élection présidentielle, prévue pour 2028, au cours d’une primaire dans laquelle il était seul en lice.
Dès mardi, quelques heures avant son arrestation, l’annulation de son diplôme avait déjà dressé un obstacle sur sa route, la Constitution turque exigeant que tout candidat à la présidence détienne un diplôme d’enseignement supérieur.
En 2023, M. Imamoglu avait déjà été empêché de se présenter en raison d’une condamnation à plus de deux ans de prison pour «insulte» aux membres du Haut Comité électoral turc. Il a fait appel de cette peine.
Le CHP a décidé de maintenir sa primaire dimanche et a appelé tous les Turcs, même ceux non inscrits au parti, à y prendre part.
Quinze millions d’électeurs turcs y ont participé, et plus de treize millions d’entre eux «ont exprimé leur solidarité» envers le maire déchu, a affirmé la municipalité d’Istanbul.
Une contestation inédite depuis 2013
L’arrestation du maire d’Istanbul suscite depuis mercredi une contestation inédite en Turquie depuis le grand mouvement de révolte de Gezi, en 2013, parti de la place Taksim d’Istanbul.
Des dizaines de milliers de personnes sont descendues dans les rues d’Istanbul dimanche soir, pour une cinquième soirée consécutive. D’importantes manifestations ont en outre eu lieu à Ankara et Izmir notamment.
Au total, des rassemblements se sont déroulés cette semaine dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l’AFP.
Cette mobilisation, portée par la jeunesse, dépasse largement le sort d’Ekrem Imamoglu, constatent les observateurs.
Face à cela, les autorités turques ont demandé à X la fermeture de plus de 700 comptes d’opposants, a annoncé le réseau social.