Le journal du plus long match de l’histoire!

Patric Laprade
Lors des dernières années, mes 11 mai ont souvent été mouvementés.
Le 11 mai 2022, je vivais l’une des journées les plus traumatisantes de ma vie. Par conséquent, ce fut mon dernier de jour de travail à l’emploi que j’avais à temps plein avant de me lancer à 100% dans les médias.
Le 11 mai 2023, un jeudi, je célébrais l’anniversaire de mon collègue et ami Kevin Raphaël lors d’une soirée tout aussi plaisante qu’arrosée!
L’an dernier à pareille date, je couvrais la deuxième partie de la série entre Montréal Boston dans la LPHF. Une rencontre qui avait débuté vers 19 h pour se terminer quelques minutes avant minuit.
Je me souviens encore de l’atmosphère sur la galerie de presse. Les confrères et consœurs excités par l’enjeu du match, mais en même temps stressés par l’heure limite à laquelle ils devaient soumettre leur texte.
Si certains commençaient à se demander si on était pour coucher à la Place Bell, d’autres regardaient leurs options de retour dans la mesure où le métro serait fermé. Puis, vers 23 h 56 ou si vous préférez, à 11 min 44 s de la troisième période de prolongation, l’attaquante de Boston Taylor Wenczkowski a mis fin aux hostilités.
C’était le plus long match de hockey que je vivais en personne et le plus long de la jeune histoire de la LPHF. L’ambiance était lourde après la rencontre. Montréal, qui avait perdu le premier match de la série, allait perdre le prochain à Boston, se faisant ainsi éliminer.
Une longue fête des Mères!
«Fast Forward» un an plus tard et on se retrouve encore une fois à la Place Bell un 11 mai, mais en après-midi cette fois-ci, puisque le match débute à 14 h.
J’arrive tôt, question de pouvoir prendre le temps de manger et jaser avec mes confrères et consœurs. Match en après-midi est synonyme de brunch à la cafétéria de la Place Bell.
Petite jasette avec celle qu’on surnomme maintenant la «pétillante», séance de discussions exutoires avec des collègues du «beat» et c’est déjà le temps de monter sur la galerie de presse. En ce dimanche de la fête des Mères, j’en profite aussi pour souhaiter de bons vœux à mes consœurs mamans.
Le match débute en force pour la Victoire qui ouvre la marque tôt après seulement deux minutes de jeu. La troupe de Kori Cheverie en ajoute un autre en deuxième période et on se dit qu’enfin, Montréal va remporter son premier match en séries éliminatoires. La bière sera bonne et froide en soupant à la Cage aux Sports de la Place Bell après le match!
Je mentionne toutefois à certains qu’une avance de deux buts est la pire avance dans le monde du hockey. Peut-être pas le commentaire le plus positif, j’en conviens, mais pas le plus faux non plus!
Avec moins de cinq minutes à faire en troisième période, Ottawa compte son premier but du match. Et avec moins d’une minute à jouer, Brianne Jenner crée l’égalité. Un de mes confrères me frappe sur le bras tout en lâchant un juron, juron qui cache son incrédulité à ce qui vient de se passer.
On s’en va donc en prolongation.
La période des 5 contre 3
Une première période de prolongation sous le signe des unités spéciales, puisque les deux équipes bénéficient d’un avantage numérique de deux joueuses. Toutefois, les deux formations sont incapables de marquer.
On n’en revient tout simplement pas. On se questionne sur les chances qu’une équipe ait un 5 contre 3 en prolongation et comment il est encore plus rare de voir les deux équipes bénéficier d’un tel avantage dans un tel contexte.
On regarde aussi le temps de glace accordé à chacune des joueuses de la Victoire. Si la situation a fait beaucoup jaser l’an dernier, cette fois, l’entraîneuse-cheffe Kori Cheverie a plus de profondeur sur son banc et elle l’utilise à bon escient : le temps de glace est beaucoup mieux réparti.
De la pizza au lieu de manger du homard!
La première période de prolongation se termine. Puis la deuxième.
Et c’est là qu’on commence à comparer davantage avec l’an dernier.
On se dit que plus Cheverie s’obstine à ne pas vouloir parler des séries 2024, plus la vie lui rappelle le tout sans aucune subtilité. L’équipe a d’abord perdu le premier match de la série par un but comme l’an dernier. Et maintenant, l’équipe se retrouve en troisième période de prolongation, un 11 mai de surcroît, comme l’an dernier.
Sur la passerelle des journalistes, ceux-ci respirent mieux que 12 mois auparavant parce qu’au moins, les heures limites pour remettre les textes sont encore loin et le métro n’est pas à la veille de fermer! Au pire, certains annulent leurs plans de souper pour la fête des Mères ou avisent de commencer sans les attendre.
De mon côté, j’ai prévu le coup. J’ai soupé avec ma mère la veille et je lui ai remis des fleurs le matin même. Un choix éclairé s’il en est un!
Pendant que les joueuses se gavent de moutarde et de jus de cornichons pour éviter les crampes, on nous sert des chips, de la pizza et des bonbons. Tout un souper gastronomique en cette fête des Mères, loin du homard que devait manger l’une de mes consœurs, mettons! Le tout est quand même très apprécié. Mes œufs brouillés et mon bacon de midi commencent à être bien loin dans mon estomac!
Vaut mieux en rire!
Une autre période débute et Laura Stacey obtient au moins trois chances de marquer, mais rien n’y fait.
La troisième période de prolongation se termine. Non seulement c’est le plus long match de l’histoire de la LPHF, c’est aussi le plus long match de hockey féminin professionnel de l’histoire. Ce n’est pas rien!
C’est aussi à ce moment que les blagues commencent à défiler sur la galerie de presse.
«Qu’est-ce qui va arriver en premier? La fin de la game ou Grand Theft Auto 6?»
«Si ça continue, le DJ va manquer de tounes!»
«Si une personne était partie d’Ottawa au début de la partie pour venir à Montréal, elle aurait eu le temps de revenir chez elle avant la fin de la game!»
«Est-ce que le match Minnesota contre Toronto, qui a débuté à 17 h, va se terminer avant le nôtre?»
Je publie sur les réseaux sociaux que le troisième match entre Ottawa et Montréal est sur le point de débuter, m’inspirant du regretté Camille Dubé qui avait dit au début de la 19e manche d’un match de baseball «bienvenue à ce troisième match entre les Expos et les Dodgers!»
On croise aussi l’une des joueuses de réserve de la Victoire qui nous dit à la blague qu’elle est fraîche et dispo à embarquer sur la glace!
Bon. On ne fera pas salle comble à ComediHa! avec ce matériel, mais faut bien se divertir comme un peu!
On commence aussi à regarder les records des plus longs matchs dans la LNH, on jase de la partie qui s’est terminée en sixième période de prolongation vendredi soir dans la LNAH et quelqu’un réalise que la dernière fois qu’un match de hockey a demandé quatre périodes de prolongation à Montréal, c’était en 1936!
Catherine Dubois offre un cadeau à toutes les mamans!
Cette quatrième période de prolongation débute et Stacey obtient encore une solide chance sans être capable de capitaliser, tout comme Alexandra Labelle qui pour sa part frappe le poteau.
Rendu à mi-chemin dans la période, on se dit que finalement, il y a peut-être une chance que la partie se termine à la même heure que l’an dernier et que les métros soient une fois de plus fermés!
On se met aussi à regarder le nombre d’arrêts réalisés par la gardienne Ann-Renée Desbiens et on réalise que si le match perdure, elle pourrait battre le record de 70 de Ron Tugnutt avec les Nordiques! Elle finira avec 63.
Et on retrouve la citation d’Erin Ambrose qui, mercredi dernier, a dit «je peux dire avec confiance que vous ne verrez plus jamais une joueuse de défense jouer 60 minutes dans une partie à moins qu’on se rende en sixième période de prolongation!». Elle terminera le match avec 58:09!
Puis, avec moins de cinq minutes à faire, Kristin O’Neill, qui joue son meilleur match de la saison, intercepte un jeu en zone adverse, replace la rondelle sur sa palette et fait une vive passe à Catherine Dubois devant le filet. La Québécoise y va d’un solide tir du poignet qui déjoue la vigilance de Gwyneth Philips et met fin à ce marathon de 5 heures 34 minutes!
Ils ne sont peut-être plus 7114 dans les estrades, mais les partisans encore présents réagissent comme s’ils étaient 20 000!
Ma mère, qui regarde le match à la télévision, me texte «Youpi!» et je me dis que Dubois vient de faire un cadeau de la fête des Mères à plusieurs mamans du Québec!
Point de presse le fun!
On se dirige au point de presse et à ma grande surprise, l’entraîneuse-cheffe de la Charge, Carla MacLeod, arrive avec une attitude incroyable.
Malgré la défaite, elle débute avec ceci :
«Comment le fun c’était, hein? Bienvenue dans les séries éliminatoires de la LPHF! Je disais sur le banc qu’on a grandi en regardant ça quand on était jeunes et là c’est à notre tour de le faire! C’était tout un match de hockey et c’était très le fun en faire partie!»
Impressionnant! Une leçon à tirer pour tous les athlètes et entraîneurs qui doivent répondre à des questions après une défaite de la sorte. Chapeau à Carla!
Du côté de Montréal, l’ambiance est très décontractée.
«L’attente valait la peine!» exprime Cheverie dans la langue de Marie-Philip Poulin.
Pour sa part, Dubois nous avoue ne pas se souvenir de son but vainqueur tellement le moment était fort, tandis qu’Ann-Renée Desbiens mentionne qu’elle payerait une bière à sa coéquipière pour avoir mis fin au match!
Avant de sortir de la salle, je prends le temps de féliciter la responsable des réseaux sociaux de la Victoire. Ancienne joueuse de hockey elle-même, elle a été créative tout au long du match, publiant près de 50 fois sur X, sans compter les autres plateformes.
Ma publication préférée?
«BEN OUI LAURA BEN OUI» lorsque Stacey a marqué le deuxième but de son équipe!
On oublie parfois qu’une rencontre de cinq heures, c’est du travail pour toutes les personnes impliquées de près ou de loin à un match.
Des attentes pour l’an prochain
Petite jasette avec un membre de l’organisation de la Charge, quelques partians me félicitent pour notre balado sur le hockey féminin, un agent de sécurité me parle de lutte pendant quelques minutes et avec quelques heures de retard, je peux enfin prendre ma bière froide à la Cage!
Plusieurs joueuses de la Victoire y sont aussi afin de décompresser et passer un moment avec leur mère, également présentes au match.
De retour à la maison, je lis les résumés de ceux et celles avec qui je venais de passer les six dernières heures et je vais me coucher. Je n’ai pas passé 135 minutes sur la patinoire comme Desbiens, mais j’ai quand même eu une journée bien remplie!
J’ai maintenant hâte de voir ce que le 11 mai 2026 me réserve! Après un trauma, une fête et 13 périodes de hockey, j’ai de fortes attentes!
Pis vous autres, votre 11 mai?