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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Le hockey québécois ne sera plus ce qu’il était

Réalisez-vous à quel point c’est un drame ce qui est en train de se produire dans la LHJMQ?

DIDIER DEBUSSCHERE/JOURNAL DE QUEBEC
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Photo portrait de Jean-Nicolas Blanchet

Jean-Nicolas Blanchet

2025-06-06T19:30:00Z
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Réalisez-vous à quel point c’est un drame ce qui est en train de se produire dans la LHJMQ?

La ligue qu’on a connue n’existe plus. Elle sera bien différente.

Ce n’est pas un drame pour toutes les équipes. C’est plutôt les équipes moins riches qui mangeront une volée. Et c’est peut-être pourquoi ce drame ne résonne pas tant que ça.

Ce sont donc les petits marchés qui écoperont. Mais, petit, c’est la taille. Car ce sont de grands marchés pour leur histoire et leur importance dans le hockey québécois. Je parle ici de Val-d’Or, de Rouyn-Noranda et de Baie-Comeau, notamment.

Photo fournie par le Drakkar de Baie-Comeau, Kassandra Blais
Photo fournie par le Drakkar de Baie-Comeau, Kassandra Blais

Ce drame est évidemment causé par les nouvelles règles de la NCAA.

Si vous suivez beaucoup le hockey junior, vous comprenez tous les enjeux: USHL, BCHL, droits de transfert, années d’admissibilité, contrats de parrainage, contrats de commandites, joueurs américains...

Vous pouvez arrêter de lire ici si c’est le cas. Sinon, je vais vous résumer précisément pourquoi tout ça fera mal à certains marchés de la LHJMQ.

Le comment du pourquoi

La ligue peut repêcher des joueurs américains dans six États américains. Mais depuis toujours, la très, très, très grande majorité des centaines de hockeyeurs repêchés n’en avaient rien à cirer de venir jouer chez nous.

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La raison était simple: les joueurs de ces États rêvent de jouer dans les grandes universités américaines qui sont dans leur cour, comme dans le Massachusetts, par exemple.

En venant jouer dans la LHJMQ, ça les empêchait de joueur dans la NCAA. Ils étaient barrés, c’était la règle.

Maintenant, tout est beau. Tu peux jouer dans la LHJMQ et aller dans une université américaine par la suite.

Entre 16 et 19 ans, si tu es un joueur étoile, la meilleure ligue pour te développer, c’est le hockey junior canadien, dont la LHJMQ.

En ne pouvant pas jouer ici, les Américains évoluaient donc dans des circuits parallèles qui n’offrent pas le même niveau de compétition, comme la BCHL. C’est dans cette ligue qu’Alex Newhook, par exemple, amassait 102 points en 53 matchs.

Libéré, délivré!

Mais là, c’est le party. Un joueur du Maine qui finit son école secondaire peut aller jouer dans la LHJMQ à 17 et 18 ans, avant de s’entendre avec une université américaine, puis d’arriver au sein d’une organisation de la LNH à 20 ou 21 ans avec un super bagage.

Vous avez compris. Le hockey junior canadien deviendra une terre d’accueil pour plusieurs jeunes talents américains. Les meilleurs vont sacrer leur camp après deux ou trois ans.

Vous avez aussi compris que ce ne sont pas que les Américains qui pourront sacrer leur camp. Ce seront aussi nos joueurs.

C’est le cas du phénomène Justin Poirier, qui a marqué 144 buts en trois ans, soit depuis ses débuts dans la LHJMQ. Le prolifique ailier du Drakkar de Baie-Comeau s’en va dans le Maine l’an prochain.

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PHOTO KASSANDRA BLAIS
PHOTO KASSANDRA BLAIS

Imaginez ce que ce jeune homme aurait pu faire dans la LHJMQ à 19 ans, après des saisons de 51 et 43 buts. Des records auraient été menacés. Beaucoup de billets auraient été vendus. Le Drakkar aurait attiré les foules.

Je pense aux hockeyeurs de 9 ans qui ne rataient pas un match à Baie-Comeau pour voir leur héros remplir le but.

Mais non. Les nouvelles règles permettent aux universités de sortir le chéquier pour attirer des joueurs et l’affaire est ketchup.

Les meilleurs joueurs juniors peuvent toucher un montant «dans les six chiffres», a révélé mon collègue Kevin Dubé.

Comment voulez-vous que le Drakkar rivalise avec ça?

Moitié-moitié

Il faudra que la LHJMQ permette à ses équipes de trouver une façon de rémunérer des joueurs. Ce n’est pas une mince affaire. Ceux qui scandent que la LHJMQ dort et ne fait rien pour s’en sortir, j’aimerais entendre vos solutions. C’est une méchante patate chaude.

Et même si on pouvait payer des joueurs, l’argent, on la prend où? Pensez-vous que le Drakkar imprime de l’argent?

Une solution invoquée à travers la ligue, c’est d’utiliser une partie des montants du moitié-moitié. Les équipes s’en servent pour payer les fonds d’études.

Je ne voudrais pas suggérer à l’UPAC d’enquêter là-dessus, mais je gagerais ma maison que plusieurs équipes ont une interprétation très large des «fonds d’études» et n’hésitent pas à piger dans le pot pour d’autres dépenses.

Si Baie-Comeau fait salle comble à ses 32 matchs et que tous les spectateurs s’achètent un moitié-moitié à 2$, à la fin de l’année, ça donne 96 000$. Bonne chance pour rivaliser avec l’Université Harvard!

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Le problème ne sera pas seulement que les petits marchés n’auront pas de munitions pour retenir leurs meilleurs joueurs, c’est aussi qu’ils peineront à attirer les meilleurs jeunes talents américains.

Car avant de repêcher un joueur des États-Unis, les équipes de la LHJMQ doivent être certaines qu’il acceptera de venir avec eux.

Elles font ça en accueillant le joueur et ses parents dans le cadre d’un bon souper. Pas de problème pour la cuisson du steak de papa, et maman aura son pinot grigio. C’est le tapis rouge.

Pour certaines équipes, c’est facile. Pour d’autres qui roulent leurs sous à chaque fin d’année, c’est une autre paire de manches. Surtout quand la ville de ton marché est moins attirante.

La LHJMQ a été excellente pour essayer de nous faire avaler que les nouvelles règles de la NCAA, ce n’était rien de dramatique. Ça m’étonne peu. La ligue a toujours été excellente pour contrôler le narratif. Quand Patrick Roy coachait, il éternuait un peu trop fort et ça faisait quasiment un scandale.

Moi, je suis très inquiet pour notre merveilleuse ligue. L’argent a toujours le dernier mot. Je peux le comprendre pour la LNH. Mais pour du hockey d’adolescents mineurs, ça commence à être triste.

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