Le groupe Wagner, sa volte-face et les faiblesses de Poutine qui se dévoilent
Cet affront pourrait affecter le moral des troupes russes qui combattent en Ukraine, avance un expert


Laurent Lavoie
En seulement quelques heures, une rébellion du groupe paramilitaire Wagner a plongé le président russe, Vladimir Poutine, dans une crise inédite depuis le début de son règne. Survol de la volte-face d’un proche du chef du Kremlin, qui voit son autorité se fragiliser, plus d’un an après l’invasion sanglante de l’Ukraine.
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Qu’est-ce que le groupe Wagner?
Le groupe paramilitaire a été identifié pour une première fois en 2014, lorsque la Russie a annexé la Crimée, péninsule située dans le sud de l’Ukraine.
Selon The New York Times, son nom a été choisi par son leader, Dmitry Utkin, ex-militaire russe, en l’honneur du compositeur Richard Wagner, adoré par Adolf Hitler.
Wagner, qui opère notamment en Syrie et en Libye, pourrait avoir à sa disposition en Ukraine de 25 000 à 50 000 soldats, selon certaines estimations.
«Je ne crois pas qu’il soit assez puissant pour renverser les forces armées russes, mais il peut créer assez de dommages pour les déstabiliser», indique au Journal Pierre Jolicoeur, professeur de science politique au Collège militaire royal du Canada.

Qui est Evguéni Prigojine?
L’homme de 62 ans est le chef du groupe paramilitaire Wagner. D’abord, dans les années 1990, il est connu pour son succès en vendant des hot-dogs.
Puis, après l’accession de Vladimir Poutine à la présidence en 1999, son groupe de restauration officie au Kremlin, ce qui lui vaut le surnom de «cuisinier de Poutine» et la réputation d’être devenu milliardaire grâce aux contrats publics.
- Écoutez l'entrevue avec Emmanuelle Rousseau, doctorante au département de science politique de l’Université de Montréal, affiliée au CÉRIUM via QUB radio :
C’est cet argent qu’il aurait donc utilisé pour fonder Wagner, armée privée d’abord composée de vétérans endurcis de l’armée et des services spéciaux russes.
«C’est un chef de guerre essentiellement qui trouvait que le régime militaire [russe] n’en faisait pas assez en Ukraine. Il voulait une escalade du conflit», fait valoir Justin Massie, codirecteur du Réseau d’analyse stratégique.

Impacts à prévoir en Ukraine
Les troupes de Evguéni Prigojine sont récemment parvenues à capturer la ville de Bakhmout, maintenant en ruines.
Parallèlement, des mois de tensions avec le Kremlin ont culminé par une rébellion ce week-end.

«Il y a certainement à moyen et long terme un impact sur le moral des troupes russes, je pense. Clairement, ce que ça démontre, cette mutinerie qui a eu cours, c’est qu’il y a une faiblesse du régime de Vladimir Poutine, des défenses aussi», explique, en entrevue, Justin Massie, professeur de science politique à l’UQAM.
Est-ce que Vladimir Poutine cherchera à réaffirmer son autorité en exacerbant les attaques virulentes en Ukraine?
«C’est difficile pour lui d’être encore plus violent dans ses représailles, estime Justin Massie, rappelant que la production de missiles est affectée par les sanctions économiques touchant la Russie. Au niveau de l’escalade, le président Poutine a très peu de moyens supplémentaires.»

Chronologie d’une mutinerie
- Vendredi, le patron de Wagner avait affirmé que des frappes russes avaient fait un «très grand nombre de victimes» dans ses rangs et avait accusé le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, d’en être le responsable.
- Le chef disait avoir 25 000 hommes, tous «prêts à mourir» au combat. Quant à Vladimir Poutine, il a qualifié de «trahison» la rébellion du groupe.
- Samedi, Prigojine a indiqué que ses soldats avaient pris le contrôle du principal centre de commandement militaire russe pour les opérations ukrainiennes ainsi que d’une base aérienne, à Rostov-sur-le-Don, au sud de la Russie.
- Wagner se serait approché, selon Prigojine, à moins de 200 kilomètres de Moscou.
- Après une médiation avec le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, Prigojine a ordonné à ses troupes, en journée samedi, de revenir sur leurs pas.
– Avec des informations de l’AFP
