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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

Le grand champion Jack Johnson vient se battre à Montréal

Jack Johnson en 1908.
Jack Johnson en 1908. Photo du domaine public
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Photo portrait de Jules Falardeau

Jules Falardeau

2025-02-22T05:00:00Z
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Le 22 février 1924, Jack Johnson, le premier boxeur noir champion du monde des poids lourds, vient pour la troisième fois à Montréal, cette fois-ci pour y disputer un combat au Théâtre St-Denis. Les 5000 spectateurs venus assister aux exploits du «Géant de Galveston» restent sur leur faim, puisque l’affrontement se révèle extrêmement décevant.

Qui est Jack Johnson?

Né à Galveston au Texas en 1878, Jack Johnson commence officiellement la boxe en 1897. Assez rapidement, il va s’imposer, étant un combattant très doué. Dans une Amérique où règne la ségrégation raciale, on y accepte volontiers qu’un Noir puisse être champion du monde dans certaines catégories, mais pas chez les poids lourds, la catégorie reine. Lorsqu’il frappe à la porte d’un combat pour le titre (détenu à ce moment par le Canadien Tommy Burns, qui se dérobe sans cesse devant l’Américain), Johnson ne compte que trois défaites en 78 combats.

Jack Johnson en 1916.
Jack Johnson en 1916. Photo du domaine public

Champion du monde

Le choc contre Burns aura finalement lieu le 26 décembre 1908 à Sydney, en Australie. Au 14e round, le Canadien est K.-O., et le «Géant de Galveston» est consacré homme le plus fort du monde, créant une onde de choc à travers l’Amérique blanche et conservatrice. Et Johnson continue de provoquer en revendiquant ouvertement sa négritude «non pas comme un militant, mais plutôt comme un homme qui veut s’offrir du bon temps»1. Voitures de luxe, établissements chics, vêtements haut de gamme ou exubérants, Johnson commet même le «sacrilège» de fréquenter et d’épouser des femmes blanches, ce qui est très mal vu dans le pays de l’Oncle Sam.

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On se met alors en tête de trouver le «Grand Espoir Blanc» qui mettra fin à la «mascarade». Johnson abat coup sur coup l’«Assassin du Michigan», Stanley Ketchel, en 12 rounds, puis James Jeffries, dit le «Vieux chaudronnier», en 15 rounds. La délivrance de l’Amérique ségrégationniste viendra d’un cow-boy du Kansas, Jess Willard, plus grand et plus lourd que Johnson, qui finit par l’assommer au 26e round de leur combat tenu à La Havane. Déchu de son titre, aux prises avec une justice américaine qui le persécute, Johnson finit par s’exiler, mais il continue à se battre et à attirer les foules.

Jack Johnson en plein match contre James Jeffries le 4 juillet 1910.
Jack Johnson en plein match contre James Jeffries le 4 juillet 1910. Photo du domaine public

Un combat qui prend des allures de farce

Le 22 février 1924, l’ex-champion, alors âgé de 45 ans et loin de son prime, est à Montréal pour affronter l’américain Homer Smith. Le combat est toutefois une déception pour les 5000 spectateurs qui se sont déplacés. Smith va au tapis plusieurs fois sans même avoir été atteint solidement, et la foule, qui sent que Johnson semble intéressé uniquement par son chèque de paie, hurle «Chiqué». Les journaux de l’époque parlent même de farce ou de comédie burlesque2.

Après cette malheureuse démonstration, Jack Johnson se battra encore neuf fois, revenant même dans son pays natal, avant de raccrocher définitivement les gants en 1931. Décédé en 1946, Jack Johnson restera un exemple de virtuosité pugilistique et de courage pour plusieurs générations de boxeurs noirs champions du monde des poids lourds comme Joe Louis, Muhammad Ali ou Mike Tyson, à qui il a pavé la voie.

Théâtre St-Denis.
Théâtre St-Denis. Photo du domaine public

Références
Sayari, Chafik, Une histoire politique du ring noir: de Tom Molineaux à Muhammad Ali, Éditions Syllepse, Paris, 2021;
Chemin, Michel, La loi du ring, Gallimard, 1992, (p.47);
Randolph, Bert, The 100 Greatest Boxers of All Time, Crescent Publisher, 1988;
The Gazette, 23 février 1924, Montréal (p.18).
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