Le fédéral coupe les vivres à 50 000 PME


Michel Girard
Justin Trudeau et sa ministre des Finances Chrystia Freeland prévoient que l’économie canadienne va bientôt traverser une période de turbulences. Ils évoquent même la possibilité d’entrer en récession, et ce, à cause notamment de la lutte à l’inflation que mène la Banque du Canada avec ses hausses de taux directeur.
Pendant ce temps-là, le gouvernement fédéral va couper les vivres à 50 000 PME canadiennes, dont plus de 10 000 québécoises.
Comment? En leur faisant perdre les subventions de 10 000$ à 20 000$ que le gouvernement leur avait promises durant la pandémie de la COVID-19 en vertu du Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes (CUEC).
Les raisons? Ces PME ont été jugées non admissibles audit programme d’aide financière pour des raisons techniques liées à la taille de la masse salariale (trop petite ou trop grande), à des dépenses non reportables, à la structure fiscale.
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LE PROGRAMME
Rappelons qu’en vertu de ce programme fédéral d’aide financière, près de 900 000 PME ont pu initialement bénéficier d’un prêt sans intérêt allant de 40 000 à 60 000$ en vue de les soutenir financièrement durant la crise sanitaire déclenchée en 2020.
Les fonds approuvés pour les prêts et les subventions octroyés par l’entremise du Compte d’urgence CUEC s’élèvent à 49 milliards de dollars alors que 571 851 PME ont obtenu des prêts de 60 000$ et 326 420, des prêts de 40 000$.
L’attrait de ce prêt fédéral? Attachée à ce prêt, une subvention de 10 000$ à 20 000$ sera remise aux PME qui vont rembourser ledit prêt d’ici la fin décembre 2023.
Au Québec seulement, il y a eu 182 923 prêts et subventions qui ont été initialement approuvés, pour une valeur globale de 10,1 milliards de dollars.
LE PROBLÈME?
Environ 50 000 PME viennent de se faire aviser par leurs institutions financières respectives que leurs demandes ont finalement été jugées inadmissibles et qu’en conséquence, elles devront rembourser leurs emprunts d’ici la fin décembre 2023 sans avoir droit à la subvention de 10 000$ à 20 000$.
La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) déplore au plus haut point cette décision du gouvernement fédéral.
Selon elle, le gouvernement Trudeau doit réviser sa position et «veiller à ce que toutes les PME bénéficiaires des prêts du CUEC qui les ont reçus de bonne foi, mais qui sont désormais jugées inadmissibles, puissent garder la portion subvention des prêts [de 10 000 $ à 20 000 $]», comme c’est le cas pour les autres bénéficiaires du populaire programme fédéral.
AU BORD DU PRÉCIPICE
Il en va de la survie même de plusieurs d’entre elles. En perdant l’accès à ces subventions de 10 000$ à 20 000$, les PME déclarées inadmissibles vont se retrouver lourdement surendettées.
«Il est injuste d’obliger les PME qui ont bénéficié de prêts accordés par le gouvernement en toute bonne foi de perdre son principal avantage», déplore le vice-président aux Affaires nationales de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Jasmin Guénette.
«C’est à se demander, ajoute-t-il, si le gouvernement n’a pas oublié que de nombreuses PME luttaient quotidiennement pour leur survie pendant les confinements et restrictions. Demander aux petites entreprises qui ont bénéficié du CUEC de rembourser intégralement leur prêt pourrait être fatal pour ces dernières étant donné les dettes énormes qu’elles ont accumulées en raison de la pandémie.»
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DEMANDE DE RÉVISION
La FCEI demande au gouvernement Trudeau de réviser sa position en autorisant les 50 000 PME supposément inadmissibles à garder la portion subvention après avoir remboursé le solde de leur prêt. «À tout le moins, précise la FCEI, un processus de requalification doit être mis en place pour les PME touchées par ce rappel.»
Confrontées à des frais d’intrants élevés depuis la fin de la pandémie, à une inflation galopante, à des pénuries de main-d’œuvre et à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement, pas moins de 64% des PME sont aux prises avec des dettes pandémiques, de 144 000$ en moyenne.
Pour permettre aux PME de leur laisser le temps de retrouver leur santé financière, la FCEI demande également au gouvernement Trudeau de reporter d’une autre année le remboursement des emprunts du programme Compte d’urgence CUEC, soit jusqu’au 31 décembre 2024.
Originellement prévue pour le 31 décembre 2022, l’échéance du remboursement des emprunts (pour avoir droit aux subventions) a été reportée à la fin de décembre 2023.