Le droit d'emmerder le monde avec son cellulaire


Sophie Durocher
Hé oui, c’est encore moi qui vous parle encore une fois des satanés cellulaires dans les salles de spectacle. Pourquoi je tape encore sur ce clou-là?
Parce que le 15 mai dernier, à 20h précises, j’ai atteint mon quota. Ça a été la goutte qui a fait déborder le vase de mon impatience et de mon intolérance face aux malappris et aux mal élevés.
Quand j’ai assisté à la première du nouveau/ancien spectacle Luzia du Cirque du Soleil, la dame devant moi a passé tout le spectacle (TOUT le spectacle) à tout filmer avec son @#@#$#@# de cellulaire. J’avais envie de lui arracher des mains.
Elle emmerdait tous les gens derrière et elle faisait suer tous les gens autour d’elle. Mais j’imagine que si je lui avais fait un reproche, elle m’aurait répondu: «J’ai le doua!».
Peut-on tous être hors ligne?
Ma collègue Sarah-Emilie Nault du Journal vous a parlé de la chanteuse Audrey-Michèle. «La fondatrice du mouvement Hors ligne demande aux spectateurs qui seront présents à sa rentrée montréalaise de laisser leurs téléphones à la maison ou dans un casier prévu à cet effet afin de vivre pleinement cette expérience musicale». Et quand elle a assisté au spectacle, ma collègue a écrit: «Imaginez une salle de spectacle plongée dans le noir, sans lumières de téléphone fendant continuellement l’obscurité enveloppante. Imaginez un concert où la foule est en communion avec l’artiste.»
Oh que j’aurais aimé que le spectacle du Cirque du Soleil se déroule ainsi! J’aurais pu voir comme il faut le clown se tordre de rire ou les contorsionnistes se tordre comme un bretzel alors que j’ai dû me tordre le cou pour éviter la lucarne de la dame en avant à qui j’avais, finalement, envie de tordre le cou.
Si cette dame se reconnaît en lisant ma chronique, j’aimerais qu’elle m’écrive à sophie.durocher@quebecormedia.com. J’aimerais qu’elle m’explique ce qu’elle a fait avec les images toutes croches qu’elle a filmées en tenant à bout de bras son cellulaire au Cirque du Soleil. Les regarde-t-elle en boucle le soir avant de se coucher? Les a-t-elle partagées avec la planète sur les médias sociaux pour gâcher le plaisir de ceux qui aimeraient qu’on leur garde une surprise? A-t-elle trouvé que ses images tournées en branlant dans le manche rendaient justice à la splendeur, la poésie et l’imagination des créateurs du Cirque?
Mais surtout, j’aimerais qu’elle me dise tout simplement si elle a profité de son spectacle. Si tu passes ton temps à regarder une explosion de talent à travers l’écran de ton cell, es-tu atteint de plein fouet par la beauté de ce que tu vois? Quand tu regardes les visages des contorsionnistes à travers un écran, sens-tu leur effort, leur concentration?
La question finale
J’ai une dernière question pour «la dame qui a passé tout le spectacle à filmer avec son cellulaire».
Quand tout ce que tu vis est filtré par un écran de cellulaire, ressens-tu une émotion, une vraie? Parce que moi, derrière vous, j’ai vécu plein de belles choses avec les artistes du Cirque. Quelque chose qui ressemble à de l’art vivant.