Le double jeu du showbiz américain


Guy Fournier
À Hollywood, à New York et dans la vallée de la tech, en Californie, on fait mine de s’indigner des tarifs de Donald Trump, mais en réalité, on les applaudit discrètement.
Ce n’est pas d’hier que les majors de Hollywood considèrent le Canada comme leur marché domestique. Les géants du numérique voient notre pays de la même façon ainsi que les big boss des trois grandes unions du showbiz américain: la Directors Guild of America, l’Actors Equity et l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma (IATSE).
Lorsque le gouvernement fédéral a déposé son projet de loi sur la diffusion continue en ligne, tous les ministres du Patrimoine qui y ont travaillé, de Mélanie Joly à Pascale St-Onge, ont juré leurs grands dieux que les géants du numérique compenseraient par de généreuses redevances annuelles les centaines de millions qu’ils ponctionnent à leurs abonnés canadiens. Ces géants n'en ont pas moins combattu la loi de toutes les façons. Lorsqu’elle fut adoptée, ils s’empressèrent de la contester devant la Cour fédérale.
La culture n’est pas une excuse
Comme le savent tous les syndiqués canadiens des unions américaines, une partie substantielle de leurs cotisations est versée aux États-Unis. Cela n’a pas empêché leurs chefs syndicaux de signer une pétition de trois pages à l’intention du président Trump, «dénonçant les barrières qu’érigent certains pays étrangers [dont le Canada] au nom de la culture».
Dans cette pétition envoyée à la Maison-Blanche quelques heures avant que Trump ne proclame son fameux «jour de la libération», les chefs syndicaux ont eu l’outrecuidance de souligner qu’il faudrait tout de même veiller «à ce que les tarifs ne fassent pas perdre trop de valeur au dollar canadien, car les producteurs américains seraient incités à produire plus de films et de séries au Canada»!
Les politiques protectionnistes de Trump ont donné des ailes aux magnats du showbiz américain. Elles ont aussi enhardi les géants du numérique. Ils sont de plus en plus convaincus que même s’ils ne gagnent pas leur cause en Cour fédérale, ils n’auront jamais à sortir un sou de redevance grâce à la guerre commerciale de Donald Trump et à l’influence qu’ils ont sur lui.
Un mémoire très clair
En février dernier, la Maison-Blanche a publié un mémoire qui est ni plus ni moins la conduite à suivre pour les majors. Le titre du mémoire ne saurait être plus clair: «Défendre les compagnies et les sociétés innovatrices américaines contre l’extorsion des gouvernements étrangers et contre toute amende et sanction injustes qu’on pourrait leur imposer».
Pas question, donc, pour Netflix, Disney+, Apple et les autres d’accepter de produire du contenu canadien et encore moins de se soumettre aux contraintes financières et réglementaires que pourrait leur imposer un organisme comme le CRTC. Nous sommes loin d’être au bout de nos peines...