Le «dirty» rappeur obsédé par la mort

Sophie Durocher
Quand j’ai appris que la 11e victime de meurtre depuis le début de 2024 à Montréal était Dirty S, «un rappeur bien connu dans le milieu», je me suis dit qu’il fallait que je m’intéresse en profondeur à son œuvre.
Je laisse à mes collègues spécialisés en affaires policières l’analyse des conséquences de ce meurtre. Et je veux analyser l’œuvre de Dirty S comme si c’était un artiste comme les autres.
Qui sait, Christopher Shawn Jean Vilsaint, qui œuvrait sous le pseudonyme Dirty S, était peut-être un Rimbaud des ruelles, un Miron d’Ahuntsic, un poète méconnu?
- Écoutez l'entrevue avec Stéphane Wall, superviseur retraité du SPVM spécialisé en usage judicieux de la force à l’émission de Sophie Durocher via QUB :
LE RAP À QUI? LE RAP À DIRTY
«Un rappeur de 27 ans lié aux gangs de rue a été tué de plusieurs projectiles d'arme à feu, mardi soir dans le quartier Ahuntsic-Cartierville, à Montréal», apprenait-on dans Le Journal.
J’ai analysé les clips les plus populaires de Dirty S.
Dans la vidéo de Addict, j’ai dénombré 26 coups de feu en 3 minutes 30. Ironiquement, ce clip montre Dirty S atteint par balles, saignant abondamment, et se faisant soigner par une blonde plantureuse.
Que disent les paroles de ce rap?
«Ils font comme si qu’ils sont contents pour moi / mais sont remplis de jalousie /Malheureusement mes mauvais habitudes sont devenues mon mode de vie /Je m’en fous de te foutre une balle / tu la prendras entre les deux yeux.»
À propos de son gun, il dit: «Je le garde sur moi comme si c’était légal / Action-réaction t’es devenu victime, c’est fatal / Quand tu fais le crime il faut que t’assumes / Quand y’a un problème on vise le chest.»
Dans le rap Pas depuis hier, il chante: «Si tu t’enfuis, les balles te rattrapent / Toujours armé même dans le club / Je rends mes ennemis claustrophobes.»
Dans le rap Enfer, il chante: «J’vais livrer c’qu’il m’a demandé / Éviter les policiers moi j’suis habitué / Y’a plein de monde qui veulent ma mort mais juste Dieu peut m’arrêter / Y’a plein d’victimes sur la liste j’ai même pas besoin de les nommer.»
Dans le rap Identité, il chante: «Si tu savais tout qu’est-ce qu’on fait, tu serais surpris / J’ai plein d’tensions dans la rue donc la gâchette j’appuie / J’fais minimum 200k en deux mois / Oui j’fais des trous qu’est-ce qu’on ferait pas pour des sous.»
Dans le rap Ma chute, il chante: «Beaucoup veulent ma chute / La police regarde veut que j’rentre en prison / J’en ai rien à foutre si tu mesures deux mètres / Ta vie tu la paieras avec 9 millimètres.»
En 2021, Dirty S avait participé au grand succès rap Too many, qui commence par ces paroles prophétiques Too many murders, and too many money.

TROP DE MEURTRES, TROP D’ARGENT?
Parlant d’argent, on ne voit que ça dans tous les vidéoclips de Dirty S.
Des grosses liasses de billets, des bouteilles de luxueux cognac, une fille qui porte des souliers Yves St Laurent, des gros plans de montres en diamant, des t-shirts Burberry, un comptoir de cuisine rempli de homards, de gros médaillons en diamant, une bouteille de Moët & Chandon, etc.
À quel point le milieu du rap québécois se sent-il à l’aise avec des artistes qui glorifient autant le milieu criminel, l’argent sale et la violence?