Le DG des Flyers reconstruit en gagnant: 30 minutes avec Daniel Brière et un échange en direct


Jean-François Chaumont
PHILADELPHIE | Il y a des hommes de parole. Daniel Brière avait promis une entrevue avec Le Journal de Montréal lundi soir au Wells Fargo Center. Mais il n’avait pas planifié de conclure une transaction majeure pratiquement au même moment.
À 17h40, Brière invite l’auteur de ces lignes dans une pièce privée sur la passerelle de presse. Il parle sans jamais regarder sa montre, sans montrer aucun signe d’impatience ou de nervosité à moins de deux heures d’un duel contre les grands rivaux de la Pennsylvanie, les Penguins de Pittsburgh. Mais aussi, ce que nous ignorions à ce moment, à quelques minutes de l’annonce d’un échange qui peut changer la carrière d’un DG.
À la fin d’un entretien de près de 30 minutes, le directeur général des Flyers lance une petite ligne de plus avec le sourire en coin.
«Tu viendras me reparler après la première période puisque nous venons de réaliser un échange et c’est assez gros, a-t-il dit. C’est gros, mais je n’ai pas bougé avec le Canadien!»
Brière n’exagérait pas. Le jeune DG de 46 ans a échangé l’ailier gauche Cutter Gauthier, le cinquième choix au total au repêchage de 2022, aux Ducks d’Anaheim contre le défenseur droitier Jamie Drysdale, le sixième choix au total à l’encan de 2020, et un choix de 2e tour en 2025.
Gauthier avait indiqué aux Flyers depuis plusieurs mois qu’il ne voulait pas jouer à Philadelphie, lui qui avait boudé le camp de développement cet été.
«Nous gardions le secret pour ne pas nuire au jeune homme, mais nous n’avions pas le choix de bouger, a expliqué Brière après la première période contre les Penguins. Après l’or des États-Unis au Mondial junior et son très bon tournoi, nous considérions que c’était le bon temps pour maximiser sa valeur. En retour, nous recevons un très bon jeune défenseur offensif et qui a du caractère en Drysdale.»
Un plan en tête
Les Flyers constituent l’une des belles histoires cette saison dans la LNH. Pratiquement à la mi-saison, ils ont une place en séries avec le 4e rang de la division Métropolitaine (20-14-6).
Ils n’ont pas la fiche d’une équipe en reconstruction. Brière avait toutefois clairement dévoilé son plan à ses premiers jours dans le siège de directeur général de son ancienne équipe. Il veut rebâtir. Et il ne changera pas d’idée malgré les succès des Flyers.
«J’ai le droit de dévier du plan si je le veux. Je le ferai avec Keith Jones [président des opérations hockey]. Mais nous réalisons que nous ne formons pas une équipe qui aspire à la Coupe Stanley cette année. Nous ne sommes pas rendus à cette étape dans notre développement. C’est super de voir ce que les joueurs et les entraîneurs réalisent cette saison. Il faut toutefois garder les deux pieds sur terre. Nous avons encore un bon bout de chemin à parcourir. Pour moi, il s’agit d’un bon pas dans la bonne direction.
«Je ne croyais pas aux prédictions des experts qui nous plaçaient dans la cave du classement, a-t-il enchaîné. Mais je mentirais si je disais que je m’attendais à voir mon équipe avec une place en séries à mi-chemin de la saison.»
Apprendre à gagner
À l’image de Martin St-Louis et Kent Hughes, Brière a frappé sur le clou de la culture. Il se retrouve donc dans le meilleur des deux mondes à Philadelphie avec des victoires fréquentes et l’accent sur le développement des jeunes joueurs.
«C’est dur de te sortir d’une ambiance perdante, a-t-il rappelé. Quand tu perds trop, ça devient lourd. Je l’ai vécu à mes débuts à Buffalo. Pour y arriver, tu dois changer plusieurs joueurs.»
«Il y a des équipes talentueuses qui ne parviennent pas à sortir du tunnel. Ils ont appris à vivre dans la défaite. Et ils peuvent devenir corrects avec ça. À ce moment-là, ça devient très dangereux. Nous préférons une reconstruction où nous pouvons jouer des matchs importants au mois de février ou mars.»
«Je peux reculer mon choix au repêchage pour apprendre à gagner. Idéalement, je voudrais aussi un bon choix, mais je ne sais pas ce qu’il y a de mieux. Un choix au repêchage ne change pas toute une franchise. Tu as souvent besoin de trois ou quatre bons choix pour remonter la pente. À Philadelphie, nous avons deux gros espoirs et deux gros choix dans les dernières années avec Cutter Gauthier et Matvei Michkov.»
Gauthier a toutefois maintenant changé de camp. Et il faut remplacer son nom par Drysdale, un défenseur qui jouera dès maintenant à Philadelphie.
Brière a assez d’expérience dans le milieu du hockey pour savoir qu’il ne suivra pas toujours un chemin en ligne droite.
«Nous restons réalistes, nous pourrions reculer d’un pas l’an prochain, a-t-il prévenu. Il ne faut pas partir en peur avec notre saison. Nous jouons bien, mais il n’y a aucune certitude. Oui, nous sommes dans le portrait des séries aujourd’hui, mais ça pourrait changer. Nous voulons demeurer lucides dans notre évaluation. Nous cherchons toujours à améliorer notre équipe.»
Un retour sur les bancs d’école dans la quarantaine

PHILADELPHIE | Il n’y a pas un seul chemin qui mène à Rome. Mais dans le monde du hockey, les routes qui conduisent à un poste de directeur général de la LNH suivent souvent les mêmes trajets.
Daniel Brière a emprunté la route en gravelle, mais aussi celle des bancs d’école.
À la fin d’une glorieuse carrière de 973 matchs, soit après la saison 2014-2015, il a rapidement travaillé au sein de l’organisation des Flyers de Philadelphie comme conseiller spécial au directeur général de l’époque, Ron Hextall.
Il a ensuite décroché un rôle plus dans l’ombre avec les Mariners du Maine, une équipe qui prenait naissance dans la ECHL et qui était affiliée aux Flyers. Pendant ses cinq saisons avec les Mariners, où il cumulait une tonne de chapeaux, le Québécois a décroché un certificat à l’école de finance Wharton de l’Université de la Pennsylvanie.
«Pour ma première année, c’était un retour en classes à plus de 40 ans! C’était avant la pandémie. Je me retrouvais sur un banc d’école. À ma deuxième année, c’était en ligne.»
«Pour les premiers jours, j’avais peur un peu. Je retombais dans un autre univers. Je ne savais pas à quoi m’attendre. Quand j’étais au cégep à 19 ans, je pensais plus à mon prochain entraînement avec les Voltigeurs qu’à mes cours en sciences humaines. Je tombais dans mes pensées même si je me débrouillais bien à l’école. Mais pour mon retour, j’étudiais avec un objectif et je voulais apprendre. Mon premier cours était en comptabilité. Je m’en souviendrai toujours. Après deux semaines, je trouvais que ça se déroulait trop rapidement. Je n’ai pas lâché et j’ai réussi mon certificat.»
Découvrir le métier
Brière reste encore un très jeune DG dans la LNH. Il a hérité de ce poste au mois de mars dernier sur une base intérimaire après le congédiement de Chuck Fletcher. Les Flyers l’ont confirmé dans son rôle au mois de mai dernier. Il a donc moins d’un an de métier.
«Je dirais que je réalise que c’est comme une entreprise, a affirmé Brière. Je dois gérer des employés. Quand je raconte ça à des personnes qui ont des entreprises, ils partent à rire. On imagine le rôle d’un DG plus avec les aspects hockey: les échanges, le ballottage, rappeler un joueur de la Ligue américaine [de hockey], préparer le repêchage. Mais il y a plus que ça. Bien plus.»
«Je voulais connaître tous les employés au sein de l’organisation. J’ai besoin de savoir les réalités de tout le monde.»
Le côté tendre de Tortorella
Parmi les employés qu’il a découverts, il y a John Tortorella, le bouillant entraîneur en chef des Flyers.

«Les gens ne me croient pas toujours quand je dis ça, mais Tortorella est excellent pour le développement des jeunes, a répliqué Brière avec le sourire. On voit juste l’image qu’il projette, celui d’un entraîneur dur. John n’aime pas ça quand je le décris autrement et que je parle en bien de lui. Il veut garder son air de dur et son image qui fait peur aux joueurs. Mais à l’intérieur de cette carapace, on retrouve un très bon homme. Il veut aider les gens et il a à cœur ses joueurs et les employés de l’équipe.»
Bien entouré à Philadelphie
Daniel Brière n’a pas une tonne d’expérience, mais il y a plusieurs têtes grises dans les hautes sphères chez les Flyers. On retrouve deux anciens DG à Philadelphie en Bobby Clarke et Paul Holmgren, mais aussi deux autres anciens DG de la LNH en Bob Murray (Chicago et Anaheim) et Dean Lombardi (San Jose et Los Angeles).
Brière a aussi engagé au cours de l’été deux anciens des Flyers en Keith Jones et Patrick Sharp.
«Ce n’était pas important d’embaucher d’anciens Flyers, mais je voulais des gars qui correspondaient à la culture que je désire implanter, a-t-il dit. Ils ont des valeurs similaires aux miennes. Sharp a gagné des coupes à Chicago, il sait ce que ça prend. Je ne voulais pas juste d’anciens Flyers, mais plus des personnes intelligentes. Il y a plusieurs façons pour bâtir une équipe et je veux travailler en équipe. Je n’ai pas peur de bien m’entourer. J’en ressors juste plus fort. Je ne fais pas ça tout seul, au contraire.»
Un œil sur Michkov
Au dernier repêchage à Nashville, les Flyers ont réclamé l’ailier Matvei Michkov avec le 7e choix au total. Brière reconnaît que la fermeture avec la Russie complique parfois son travail.
«C’est difficile. Nous n’avons pas toutes les réponses que nous aimerions avoir, mais nous le suivons du mieux que nous pouvons. Il joue à Sotchi. Son jeu parle de lui-même. Il connaît une bonne saison. Mais on ne sait pas trop comment ça se déroule à l’extérieur de la glace. Nous avons un recruteur en Russie. Il a la chance de le voir, mais pas tous les matchs. Il regarde d’autres jeunes. Nous aimons plusieurs facettes de son jeu. Nous resterons patients. Avec Michkov, c’est un projet à long terme.»