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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Le deuil invisible: se reconstruire après la perte d’un bébé

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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2022-10-08T04:00:00Z
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Autrices d’un nouvel ouvrage sur le deuil périnatal, la journaliste Jessika Brazeau et la psychologue Lory Zephyr rappellent avec un grand respect et beaucoup de compassion que la perte d’un enfant avant ou après la naissance est une expérience douloureuse, voire traumatisante pour plusieurs parents. Elles abordent cette épreuve avec douceur dans Le deuil invisible, un ouvrage où les informations et les ressources sont émaillées de témoignages bouleversants.

Bien que le deuil périnatal touche une grossesse sur cinq, il semble que le sujet demeure encore tabou. Dans leur nouveau livre, Lory Zephyr et Jessika Brazeau abordent des questions difficiles liées aux fausses couches, à la mortinaissance, au syndrome de mort subite du nourrisson. Comment fait-on le deuil d’un être que l’on a peu ou pas du tout connu? Comment vit-on cette situation en tant que mère, père, couple et famille? Quelle place réserver dans sa vie à l’enfant disparu?

Jessika Brazeau, en entrevue téléphonique, explique avoir été extrêmement touchée par les témoignages qu’elle a recueillis auprès de parents endeuillés pour écrire le livre. Elle a été frappée par une constante : le malaise que le deuil périnatal crée chez les autres. 

«Pour eux, ce n’était pas malaisant d’en parler. Entre nous, il n’y a eu aucun tabou. Ils m’ont raconté la naissance, la mort, comment ils se sont sentis. Ils m’ont montré des photos, l’urne. Je leur demandais souvent pourquoi ils n’en parlaient pas aux autres. Et c’était toujours pour protéger l’autre. Parce que l’autre, ça le mettait mal à l’aise. Eux, tout ce qu’ils avaient le goût [de faire], c’est d’en parler.»

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Une maman de deux enfants qu’elle a interviewée lui a dit : «Moi, j’ai trois enfants. Mais il y en a un que les gens n’ont pas la chance de voir.»

Jessika Brazeau a observé qu’une peur de l’oubli accompagnait souvent le deuil périnatal. 

«Après, tu as tellement peur qu’on oublie le bébé qui est décédé, quand tu en as un autre, quand tu souris à nouveau, quand tu retrouves une espèce de joie de vivre. Le titre, c’est “se reconstruire après le deuil périnatal”. Les parents ne veulent pas que le bébé se fasse oublier. Ça revenait dans tous les témoignages, la peur de l’oubli.»

Un travail difficile 

L’autrice a trouvé très difficile d’être confrontée à la souffrance de l’autre, en travaillant sur ce projet. 

«À la base, je suis quelqu’un de très émotif et quand Lory m’a proposé ça, je lui ai dit : je ne suis pas capable. Je vais me liquéfier devant les parents. Et il y avait des tabous aussi : qu’est-ce que je peux dire, jusqu’où je peux aller... je ne veux tellement pas les blesser.»

«Lory m’a dit : Jess, eux, ils vivent ça tous les jours. Ils portent cette souffrance-là tous les jours. C’est pas toi qui vas aller la mettre en lumière et raviver les émotions.»

Elle avait quand même beaucoup d’appréhension. 

«J’avais peur d’être émotive et de m’approprier une souffrance qui n’était pas la mienne. Après, je les ai portées, ces histoires. Émotivement, c’était drainant, mais j’ai écrit, à la fin, à quel point ça m’avait changé, comme personne.»

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Se reconstruire 

Lory Zephyr, de son côté, s’est attardée au processus psychologique pour traverser un deuil périnatal et se reconstruire. 

«On a beaucoup réfléchi au titre, observe Jessika. Ce n’est pas passer par-dessus, ce n’est pas te transformer. Tu te reconstruis dans une personne qui est différente. Il y en a qui arrivent à trouver un sens pour que ce soit moins souffrant et plus tolérable à porter. Mais les femmes vivent beaucoup de culpabilité, parce que c’est en dedans d’elles, comme si leur corps avait échoué.» 


♦ Jessika Brazeau est journaliste et Lory Zephyr est psychologue.

♦ Ensemble, elles ont lancé la plateforme «Ça va maman» qui traite de santé mentale parentale.

♦ Leur mission : briser l’isolement, normaliser les défis de la parentalité et redonner aux parents confiance en leurs compétences.

EXTRAIT

Photo courtoisie
Photo courtoisie

«Vous avez repassé encore et encore les explications fournies par les infirmières et les médecins que vous avez rencontrés. Vous vous souvenez d’avoir hoché la tête pour signaler que vous aviez compris, mais vous réalisez que votre émotion vous a empêchés de bien saisir les détails de ce qui est arrivé. La perte de son enfant, peu importe le nombre de semaines de gestation, le contexte ou le déroulement, peut être grandement douloureuse et même, pour plusieurs, traumatique.»

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