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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Le destin d’un ténor d’exception

Photo fournie par Pascal Ito
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2023-06-03T04:00:00Z
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Comédienne, scénariste et écrivaine, Alexia Stresi fait voyager ses lecteurs dans le monde de l’opéra en imaginant le destin d’un ténor d’exception dans son nouveau roman, Des lendemains qui chantent. Elio Leone, son chanteur inoubliable, a fui un régime fasciste en Italie pour trouver son destin à Paris. Et ailleurs aussi, car la vie n’était pas de tout repos au milieu des années 1930.

Avec brio, Alexia Stresi imagine donc le destin d’un jeune ténor italien orphelin, né dans une étable, qui a fui le régime de Mussolini et finit par enchanter la Ville-Lumière en chantant lors de la première de Rigoletto de Verdi.

Elio Leone possède une voix exceptionnelle, mais l’époque dans laquelle il vit est sans pitié. Il doit développer un caractère aussi fort et puissant que sa voix.

Alexia Stresi, écrivaine inspirée à la plume magnifique, trouve que l’opéra – le théâtre, le lieu où se produisent les spectacles – est un lieu extrêmement romanesque. 

« Il y a l’ombre, la lumière, la scène, les coulisses, les petits métiers, les stars, la vérité, les masques », commente-t-elle en entrevue.

« Il y a une hiérarchie extrêmement forte, le travail, le talent, la passion. Il y a évidemment l’intensité des émotions. Il y a plein de choses qui font que cette microsociété reproduit en les magni-fiant les choses qui nous habitent, qui bougent, qui travaillent nos vies à nous. Je sentais bien que c’était un lieu de réalisation, de combat, de combat contre soi-même. »

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Photo fournie par les Éditions Flammarion
Photo fournie par les Éditions Flammarion

Ses grands-parents

Il y a aussi une raison plus intime et autobiographique : son grand-père était chanteur d’opéra. 

« Il était ténor d’opérette. En français, un ténor d’opérette, c’est devenu une expression péjorative pour parler de quelqu’un qui fait un peu semblant de faire son métier. Ce sont des ténors qui n’ont pas des voix suffisamment puissantes et remarquables pour chanter Verdi, donc qui chantent de façon tout à fait honorable dans des opérettes. »

Sa grand-mère était pianiste, non pas concertiste, mais répétitrice des chœurs. 

« C’était des gens absolument passionnés par leur art. Il y avait de la musique tout le temps. Tout ça était incroyablement joyeux et comme ma mère était danseuse classique, c’était plus simple que je sois gardée par mes grands-parents qui étaient plus sédentaires dans un opéra de province. »

Un choc

Alexia Stresi a donc grandi entre les répétitions, les costumes, les airs d’opéra. 

« J’ai vécu mes premières années dans cet univers baigné de joie, de musique et d’un amour inconditionnel, totalement en dehors de tout prestige social ou aura mondaine. »

Et puis, brutalement, ses grands-parents sont morts quand elle était jeune. 

« Ça a été un tel choc pour moi, une telle perte, un deuil difficile et à ce moment-là, avec eux, a disparu l’opéra. L’opéra était tellement associé à eux que, quand ils n’ont plus été là pour me familiariser avec tout ça, je me suis éloignée, un peu par pudeur, par volonté de ne pas être triste. J’ai refermé ce moment-là de ma vie. »

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Pendant quasiment 40 ans, elle n’a plus du tout écouté d’opéra. 

« C’était fini. J’ai réussi à me débrouiller pour ne quasiment jamais y aller et j’avais mis ça à distance, comme on se protège. Et puis, en entendant par hasard une chanson de variété italienne chantée par un ténor lyrique, Roberto Alagna, j’ai figé. J’ai fondu en larmes en me disant : que c’est beau ! »

Et tout s’est rouvert en elle. 

« Je crois que j’étais prête à y retourner et à raconter une histoire qui parlerait de la beauté des émotions que la musique procure à ceux qui l’écoutent et de la force qu’elle donne à ceux qui la font. »

  • Alexia Stresi est comédienne, scénariste et écrivaine.
  • Elle a publié deux romans aux Éditions Stock : Looping (2017, finaliste au Goncourt du premier roman et Grand prix Madame Figaro) et Batailles (2021).

EXTRAIT

« Sans quitter son quai de Montebello, il passe les premières journées à travailler sa voix, au milieu de bruits qui obligent à beaucoup la pousser. Ah ça oui, il faut sacrément timbrer pour couvrir klaxons, bruits de travaux, cris des marchands ambulants, invectives et aboiements. L’exercice est redoutable, c’est parfait. La nuit venue, il procède différemment et se place sous la voûte du pont pour se jouer de la réverbération acoustique. Il vérifie la réfraction des sons en testant les pouvoirs de l’écho. »

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