Le démantèlement inévitable de Postes Canada

Francis Gosselin
Après avoir tenté par tous les moyens de faire souffrir les consommateurs et les PME sur l’autel de leur mésentente la veille de Noël, voilà que déjà la petite chicane postale entre facteurs et patrons recommence.
De manière évidente, négocier une nouvelle convention collective ne servira à rien. Imposer une loi spéciale non plus.
Le modèle est brisé. Il faut avoir le courage de le repenser.
Pour l’instant, le silence du gouvernement est assourdissant.
Mais un démantèlement semble de plus en plus inévitable.
Au nom du roi!
Depuis des millénaires, livrer la poste est considérée comme une fonction «régalienne» de l’État – une fonction assumée directement par la bureaucratie royale au nom de l’intérêt général, au même titre que la justice, la défense ou la diplomatie.
Jusqu’à l’avènement de l’internet grand public il y a 30 ans, la poste assurait la communication officielle entre citoyens, gouvernements et institutions. Elle garantissait la confidentialité et la sécurité des échanges. Elle avait un rôle stratégique, militaire, politique et logistique.
Et surtout, l’État en avait le monopole.
Les Anglais ont hérité de la Royal Mail. Au Canada, moins dramatiquement, cette bureaucratie fut nommée Postes Canada.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Richard Martineau, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Nourrir notre nostalgie institutionnelle
Puis sont arrivés le courriel, l’espace client et le virement bancaire.
Dans les circonstances, force est d’admettre que les services postaux sont un artéfact maintenu en vie par nostalgie. C’est une institution qui survit parce que les politiciens sont trop peureux pour agir.
Dans certains pays, la poste est devenue une banque. Un opérateur de télécom. Un distributeur de médicaments.
N’importe quoi pour éviter le constat d’échec de ces bureaucraties vétustes. Ces exemples sont une incarnation patente du bureaucratisme rampant: une logique de maintien en vie, par tous les moyens, d’institutions archaïques qu’il aurait fallu dissoudre et démanteler il y a longtemps.
Pour ménager quelques sensibilités, on ne fait rien. Pendant ce temps, Postes Canada livre des factures et des relevés qu’on retrouve dans internet, des contrats qu’on pourrait signer avec une signature électronique (eZsign), de la publicité dont personne ne veut et quelques lettres écrites à la main par grand-maman.
Un plan de liquidation
Ce qu’il nous faut, ce n’est pas une nouvelle entente entre facteurs et patrons. Lorsqu’un modèle ne fonctionne plus, rien ne sert de réparer les morceaux.
Postes Canada doit évoluer et arriver au XXIe siècle. Cela signifie de se recentrer sur sa mission exclusive et monopolistique; offrir à tous les Canadiens un service de distribution de lettres ponctuel, fiable et universel.
• Sur le même sujet, écoutez cet épisode balado tiré de l'émission de Mario Dumont, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Par conséquent, voici l’ordre du jour pour en finir avec Postes Canada
1. Vendre les activités de distribution de colis. Il n’y a aucune raison valable qu’un monopole d’État fasse concurrence à des acteurs privés pour une telle activité qui n’a strictement rien à voir avec l’État. Purolator devrait être une société entièrement privatisée, au même titre que Canpar, Loomis, GLS et Planète Courrier.
2. Éliminer le courrier inutile. Pour ce faire, le prix du timbre devrait augmenter sensiblement. Vous verrez, à 10$ le timbre, on y réfléchira à deux fois avant d’ajouter du poids inutile au trafic postal. Sauf pour les usages absolument nécessaires, ce petit incitatif financier aura tôt fait de convertir à «l’électronique» les récalcitrants de la modernité.
Comme le nombre de lettres continuera de chuter rapidement, cette révolution permettra de réduire massivement la fréquence des passages et la «géographie» de la poste. Le courrier pourra désormais être livré une fois par semaine, dans une boîte postale, à distance de marche de la maison.
Ce faisant, Postes Canada pourra se recentrer sur sa mission véritable. Avec 3000 employés, elle devrait être capable d’assumer le tout. Cela libérera 67 000 personnes dans l’économie réelle, qui pourront remplir des fonctions utiles à la société.
Nous avons englouti des milliards à nourrir notre nostalgie postale. Il est temps d’arrêter l’hémorragie et de revenir urgemment à l’essentiel.
Voici ce que nous coûte Postes Canada
– Déficit: plus de 3 milliards $ depuis 2020.
– Employés: 72 000, dont 55 000 facteurs.
– Haute direction: un PDG, 6 «chefs», 12 v.-p. (pour un total de 19 personnes).
– Salaire du PDG Doug Ettinger: 650 000$ en 2024 (dont 97 000$ de bonus, malgré des pertes de 750 M$).
– Salaire des employés: 56 400$ après 5 ans d’expérience.
– Offre patronale: 13,59% sur 4 ans, dont 6% la première année.
– Demandes syndicales: 19%, dont 9% la première année.