Le déclin du français ne doit pas nous laisser indifférents

Philippe Lorange
Un million. Voilà le seuil franchi par le nombre de locuteurs anglophones au Québec, révélé par le recensement canadien mercredi dernier. Ce seuil est inédit et ne devrait pas nous laisser indifférents.
Tous les chiffres qui sortent du recensement confirment le diagnostic posé par les experts sérieux sur la question linguistique : le français dégringole.
nous intéresse.
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De 1971 à 2021, la proportion de citoyens qui ont le français comme première langue parlée au Canada est passée de 27,2 % à 21,4 %. À ce rythme, le français sera une chose du passé avant la fin du siècle.
Plus aucun avenir
Au Canada anglais, les Canadiens français n’ont tout simplement plus aucun avenir. Leur assimilation est en voie de parachèvement. Au Québec même, la région du grand Montréal, qui englobe Montréal, Laval et les environs, n’est plus tellement francophone. Des villes historiquement francophones comme Laval et Longueuil s’anglicisent rapidement.
- Écoutez la chronique de Gilles Proulx au micro de Marc-André Leclerc sur QUB radio :
Dans des quartiers traditionnellement francophones de Montréal, le français a pris le bord. On le constate dans le Plateau-Mont-Royal, à Villeray, à Saint-Henri, dans Hochelaga. Ailleurs au Québec, le français est en baisse dans presque toutes les régions, notamment en Outaouais, qui partage la frontière avec l’Ontario. La vieille crainte de disparaître des Québécois voit ses inquiétudes se réaliser. Nous sommes contemporains de notre propre assimilation.
Ce déclin est d’autant plus inquiétant que le régime canadien a pris pour initiative d’être habité par 100 millions de Canadiens d’ici 2100, alors que la population actuelle se situe à 38 millions. La première façon d’y arriver ? Par l’immigration massive. Il ne s’agit ainsi plus d’accueillir quelques réfugiés et travailleurs étrangers, mais de faire venir des centaines de milliers de gens chaque année.
Ottawa
Les politiciens à Ottawa savent très bien que le Québec n’a aucunement les moyens d’intégrer tous les gens des seuils d’immigration imposés par le fédéral. D’aucune façon nous ne pouvons intégrer des entrées annuelles de dizaines de milliers de gens qui viennent de partout dans le monde.
Beaucoup d’entre eux sont des anglophones ou des anglotropes, plus facilement attirés vers l’anglais que vers le français. L’immigration massive est la raison principale qui explique l’anglicisation du grand Montréal. Et elle est causée par Ottawa. Le gouvernement du Québec, soi-disant gouverné par des « nationalistes », est trop frileux pour confronter le fédéral à ce sujet.
L’élection qui approche à grands pas doit centrer son thème sur l’assimilation en cours du Québec. Nous n’avons plus le luxe de perdre notre temps dans des querelles secondaires. Les partis politiques devront répondre de la situation linguistique et de l’urgence d’agir.
Si la CAQ souhaite tellement rester au sein du Canada, ses candidats devront nous expliquer de quelle façon ils comptent contrer des tendances lourdes, dans la mesure où ils refusent d’appliquer des mesures de survie minimales comme l’extension de la loi 101 au cégep.
Si Québec solidaire prétend encore défendre l’indépendance, il devra nous dire pourquoi il ne dit mot sur les répercussions de l’immigration massive sur le déclin du français.
Pour ce qui est du Parti conservateur, on doit demander à ce parti s’il est conscient que le Québec existe en dehors de la Capitale-Nationale.
Notre avenir
L’avenir se joue maintenant. Pas dans 10 ans, pas dans 20 ans. Le courage politique est aujourd’hui, plus que jamais, d’une importance cruciale. Ce peuple que nous formons et qui s’est maintenu dans sa personnalité collective pendant plus de 400 ans a le droit de demeurer vivant. Et il le demeurera.

— Philippe Lorange