Dequoy joue-t-il aussi au hockey?
Marc de Foy
Jamais je n’ai entendu un athlète québécois aussi enflammé que Marc-Antoine Dequoy après la victoire des Alouettes dans le match de la Coupe Grey. Le maraudeur étoile a fait une sortie en règle contre les gens du réseau TSN. Ça venait du cœur!
«Ils n’ont jamais cru en nous. Tu regardes partout, c’est écrit en anglais. Sur TSN, c’était écrit Toronto contre Winnipeg. Tu viens ici, ça parle juste anglais. Ils n’ont jamais cru en nous. Vous savez quoi? Gardez-le, votre anglais, parce qu’on a gagné cette coupe-là et qu’on va la ramener chez nous à Montréal, on va la ramener au Québec, on va la ramener chez nous parce qu’on est fucking champions!»
Et vlan!
Joue-t-il aussi au hockey, ce Dequoy?
Le Canadien a besoin d’un joueur québécois comme lui.
Oui, les Alouettes sont champions de la Coupe Grey!
Bravo!
Et vous savez quoi?
Ça fait du bien en ces dernières semaines de 2023 qui, vous en conviendrez, ne nous ont pas gâtés.
Cette victoire ne réglera pas les problèmes sociaux qui minent notre société, mais c’est un baume réconfortant pour Montréal et le Québec.
Similitudes avec 1970
Cette victoire me rappelle la conquête de 1970 par ces mêmes Alouettes.
Cette année-là, après trois saisons désastreuses au cours desquelles les Zoizeaux n’avaient remporté que sept victoires, l’équipe était passée aux mains de Sam Berger. L’ancien propriétaire des Rough Riders d’Ottawa avait fait appel à d’anciennes gloires de l’organisation avec l’espoir que les Alouettes reprendraient de l’altitude.
Red O’Quinn, qui formait avec Hal Patterson un duo de receveurs de passes redoutables dans les années 1950, fut nommé directeur général.
Sam Etcheverry, quart-arrière de cette offensive spectaculaire, hérita du rôle d’entraîneur en chef.
Contre toute attente, les Alouettes atteignirent le match de la Coupe Grey au stade de l’Exposition nationale, à Toronto. La rencontre fut disputée dans des conditions exécrables, alors qu’une nouvelle tourbe avait été installée à la hâte une semaine seulement avant le match. Le gazon restait collé aux crampons des joueurs et s’accrochait même dans les protecteurs faciaux.
Le terrain s’était transformé en une mer de boue.
Les Alouettes eurent raison des Stampeders de Calgary, 23 à 10.
Quelques jours plus tard, les champions défilèrent dans les rues du centre-ville de Montréal, qui vivait une crise sociale depuis plusieurs semaines. On était en pleine crise d’Octobre. L’armée canadienne était présente partout.
La victoire des Alouettes avait ranimé la ville.
Quelques jours après leur victoire, le diplomate britannique James Richard Cross fut libéré par la cellule du FLQ qui le séquestrait.
Qui aurait dit?
Revenons au présent.
À pareille date l’an dernier, les Alouettes étaient à nouveau sur le respirateur officiel. Quelques mois plus tôt, l’actionnaire minoritaire Gary Stern avait été écarté des opérations quotidiennes de l’équipe par la succession de son beau-père Sid Spiegel, actionnaire de contrôle à hauteur de 75 pour cent, décédé en juillet 2021.
Danny Maciocia avait les mains liées. Sans budget, il a perdu les services du receveur éloigné Eugene Lewis et du quart Trevor Harris sur le marché des joueurs autonomes.
C’était le bordel!
Maciocia a songé sérieusement à quitter le nid.
En février dernier, les Alouettes retombaient sous la tutelle de la Ligue canadienne de football pour une deuxième fois en moins de quatre ans.
Un mois plus tard, Pierre Karl Péladeau devenait le premier propriétaire francophone de l’équipe depuis sa fondation en 1946 par Léo Dandurand, né à Bourbonnais, en Illinois. M. Dandurand est arrivé à Montréal à l’âge de 16 ans et a fréquenté le Collège Sainte-Marie. Il a été aussi copropriétaire du Canadien.
Québec sait faire!
M. Péladeau a fait confiance au personnel en place.
L’organigramme des opérations football est rempli de Québécois.
Danny Maciocia est directeur général; Éric Deslauriers, directeur exécutif des opérations football et du personnel des joueurs; Allyson Sobol, gestionnaire et coordonnatrice aux opérations football; Jean-Marc Edmé, directeur du personnel des joueurs professionnels; et Pier-Yves Lavigne, directeur du recrutement national.
Au sein du personnel d’entraîneurs, on retrouve Luc Brodeur-Jourdain, entraîneur de la ligne à l’attaque, et Byron Archambault, adjoint à l’entraîneur en chef Jason Maas et coordonnateur des unités spéciales.
Natif de la Californie, Anthony Calvillo est Québécois d’adoption. Il a fait partie de l’équipe d’entraîneurs des Carabins de l’Université de Montréal, tout comme Noel Thorpe, qui a vu le jour en Colombie-Britannique.
Or, les amateurs d’ici semblent être les seuls au Canada à connaître les compétences des entraîneurs et des joueurs provenant du Québec.
Dequoy, dont la carrière a commencé tardivement, est devenu un merveilleux joueur de football. Il est l’un des 10 joueurs québécois chez les Alouettes.
Mais cette conquête, c’est aussi celle de Cody Fajardo, Tyson Philpot, William Stanback, Austin Mack, bref, de tous les membres de cette formation qui a fait la démonstration, brillamment, que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.