Le courage de s’opposer à la gauche radicale


Mathieu Bock-Côté
Paul St-Pierre Plamondon vient de prendre une des positions les plus courageuses qu’on puisse imaginer dans la politique québécoise actuelle: il s’est opposé à la gauche radicale. La gauche radicale représente le nouveau clergé québécois, et fait régner une forme de conformisme idéologique étouffant, comme l’autre clergé, celui des années 1950. Cette gauche radicale est minoritaire dans la population, mais elle contrôle les grandes institutions productrices du discours public, et pratique sans gêne l’intimidation idéologique.
Cette idéologie s’impose de plus en plus, dans les médias, dans le monde de l’école, dans l’administration, dans le monde de la mode, et ainsi de suite. Et elle s’exprime notamment à travers l’idéologie trans radicale – ces dernières années, elle était plutôt associée à la volonté de soumettre le Québec à la théorie du racisme systémique. Ces derniers temps, on a ainsi parlé de la querelle de Mx, on a appris que certains voulaient imposer aux écoles des toilettes mixtes, on a parlé des opérations de changement de sexe et des thérapies hormonales chez les enfants. Il ne faudrait pas oublier non plus de parler de la propagande incessante sur les réseaux sociaux poussant les jeunes qui sont en crise d’identité, ce qui est normal à l’adolescence, à chercher à la résoudre en changeant de genre.
Il y a quand même des limites à nous faire croire que le corps est une enveloppe corporelle optionnelle, qui n’engage en rien l’être humain, appelé à se définir par un ressenti absolutisé, qui relève davantage du fantasme d’autoengendrement que d’autre chose. Il y a quand même des limites à sacraliser l’antiscience et à faire passer la reconnaissance de cette réalité élémentaire qu’est la dualité sexuelle pour une forme de pensée rétrograde, poussant au désespoir ceux qui ne l’acceptent pas. Le chantage idéologique qui est une spécialité de la gauche radicale doit cesser. Il y a quand même des limites à nous obliger à évoluer dans un monde parallèle et à accuser ceux qui veulent revenir au réel de basculer à l’extrême droite.
Je prends la peine de l’ajouter: PSPP n’a pas manqué un instant de respect envers les trans, et cela va de soi. La dysphorie de genre existe, et une société civilisée accompagnera avec la plus grande sollicitude ceux qui se sentent étrangers à leur identité sexuelle. Mais on ne saurait faire de la non-binarité, de la transidentité ou de l’indétermination sexuelle la nouvelle norme, et en appeler à déconstruire le masculin et le féminin, comme s’il s’agissait de catégories réactionnaires.
PSPP explique simplement qu’on ne saurait redéfinir l’ensemble des normes sociales et linguistiques d’une société en fonction des revendications de minorités souvent groupusculaires, mais qui sont surreprésentées médiatiquement. Il explique, autrement dit, qu’on ne saurait, au nom du respect dû aux minorités, ce qui va de soi, déconstruire l’ensemble d’une société, comme s’il s’agissait d’une structure périmée. Faut-il rappeler que la poussée des partis «populistes» est indissociable de cette exaspération du commun des mortels qui a l’impression que la vie publique est confisquée par des lobbies très militants, traitant les gens ordinaires comme des demeurés?
J’ajoute une dernière chose: PSPP ne devient pas un homme de droite pour autant. Il semble simplement croire, et cela l’honore, que le progressisme n’est pas incompatible avec la science et le bon sens, et que la gauche radicale n’est pas la seule interprète légitime de la bonne manière de parler du droit des minorités. C’est ce que plusieurs progressistes d’une école semblable à la sienne redécouvrent en Europe aujourd’hui. Le commun des mortels, ces derniers jours, lui a spontanément donné raison.
La gauche radicale est un fléau pour la démocratie, mais la peur de se faire traiter de transphobe, de raciste ou de suprémaciste pousse un trop grand nombre de politiciens et de commentateurs à se coucher devant elle. En dernière instance, c’est la démocratie qui en souffre.