Ezra Jeffrey: Un ultime coup de main à ses collègues lui est fatal


Nora T. Lamontagne
Un préposé aux bénéficiaires de 71 ans, qui avait retardé l’heure de la retraite pour épauler ses collègues, a passé un mois hospitalisé à se battre contre le virus avant d’y succomber.
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« Mon père aimait aider et prendre soin des autres. Il avait l’habitude de ne jamais dire non... C’est une qualité autant qu’un défaut », estime la fille unique d’Ezra Jeffrey, Amy.
C’est ainsi que le septuagénaire avait convenu de rester au travail jusqu’en décembre 2020, histoire de donner un ultime coup de main à ses collègues des 14 dernières années. Cette décision lui aura été fatale.
M. Jeffrey travaillait au centre d’hébergement Saint-Margaret, à Westmount, sur l’île de Montréal, quand le sournois virus y a fait son apparition.
Dès le 14 avril, l’homme originaire de la Jamaïque a commencé à ressentir les premiers symptômes de la maladie. Le 18, son diagnostic de COVID-19 a été confirmé. Le 24, il entrait à l’hôpital Royal Victoria.
Il n’en est malheureusement pas ressorti vivant.
Les larmes aux yeux
Amy Jeffrey et sa mère ont pu communiquer avec lui par vidéo à quelques reprises avant son décès le 21 mai, même s’il était branché à un ventilateur.
« On pouvait voir qu’il souffrait émotionnellement. Il en avait les larmes aux yeux... », témoigne sa fille de 31 ans, bouleversée.
« J’ai conservé les enregistrements [des vidéos] mais je suis incapable de les regarder. »
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Encore aujourd’hui, il lui arrive d’avoir des flashs-back de son paternel, mal en point, dans son lit d’hôpital.
Celle qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau préfère évidemment se remémorer tous les bons moments passés en sa compagnie.
Les journées aux courses de chevaux où il l’emmenait, enfant. Sa recette d’ackee et poisson salé, un plat traditionnel jamaïcain. La dernière fois qu’ils ont dîné ensemble.
Ébranlée par la mort de son père adoré, l’infirmière de profession a dû prendre un congé de maladie et a emménagé avec sa mère pour l’accompagner dans ces durs moments.
Sa santé en priorité
Les anciens collègues d’Ezra Jeffrey ont assemblé pour elles un album touchant rempli de photos et de témoignages, et la salle des employés a aussi été renommée en son honneur.
« Je ne peux rien demander de plus, ils ont été là pour nous », dit Amy Jeffrey, reconnaissante.
Elle ne peut cependant s’empêcher de soupirer.
« Mon père était rendu à un certain âge. Il n’avait plus besoin de travailler, il aurait pu profiter de sa retraite... Je lui avais dit : “c’est toi et ta santé qui passez en premier.” »