Le cinéma en salle peut-il revivre ?

Guy Fournier
L’engouement suscité par les festivals de Venise et Toronto marquerait-il la résurrection du cinéma en salle ?
Les cinéphiles les plus enthousiastes le croient, mais ils sont à peu près les seuls. La pandémie a porté un dur coup au cinéma en salle. Malgré l’embellie de l’été, propulsée surtout par le succès populaire du film Top Gun : Maverick, l’avenir des salles reste incertain.
En juin, Entertainment One a mis fin à ses activités de distribution, sonnant du même coup le glas de sa filiale, Les Films Séville, le plus important distributeur de films québécois. À la fin d’août, Patrick Roy, l’ex-patron de Séville et d’e-One, a lancé une nouvelle société de distribution avec l’aide d’Investissement Québec et de la SODEC. Le cinéma québécois a grand besoin d’un distributeur aux poches profondes. Celles de la nouvelle société le seront-elles assez ?
C’est de plus en plus difficile pour les distributeurs indépendants d’en arriver à brasser de grosses affaires, les géants de la vidéo à la demande étant désormais les maîtres du jeu. En France, pour protéger les salles, il fallait attendre 36 mois avant qu’un film puisse se retrouver au petit écran.
L’écart vient d’être réduit à 15 mois pour Netflix (17 mois pour les autres) contre la promesse d’une contribution annuelle de Netflix de 40 millions d’euros (54 millions $ CAN) au cinéma français. Des « pinottes » si l’on considère que les 10 millions d’abonnés français de Netflix rapportent environ 125 millions d’euros par mois !
Drôle de rumeur pour blonde
Au Canada, il fallait attendre au moins 90 jours avant qu’un film passe de la salle au petit écran. L’écart s’est ensuite rétréci à 45 jours. Désormais, il n’existe plus de règle. Amazon, Apple, Disney et Netflix sont devenus si puissants qu’ils font leurs quatre volontés avec les films.
C’est ainsi, selon la rumeur, que Netflix a exercé des pressions pour obtenir la cote NC-17 (pas d’admission avant l’âge de 17 ans) pour son film Blonde. Comme la plupart des propriétaires de salles des États-Unis refusent de présenter un film coiffé de cette cote extrême, la cote NC-17 arrange Netflix qui compte sur Blonde pour accroître rapidement le nombre de ses abonnés.
Incidemment, je ne partage pas l’enthousiasme de ma collègue Sophie Durocher pour cette biographie « fictive » de Marilyn Monroe, adaptée de la bio romancée écrite il y a plus de 20 ans par Joyce Carol Oates. J’ai trouvé le film trop long, exécrable par moment et d’assez mauvais goût à plus d’une occasion ! De toute évidence, comme cette rumeur le démontre, les géants de la vidéo à la demande sont si puissants qu’ils peuvent soumettre même les institutions à leur bon vouloir, faire des salles ce qui leur chante et les utiliser dans leur propre intérêt, pas dans celui du cinéma et encore moins dans celui du cinéma local.
Le cinéma maison a la cote
Malgré l’optimisme de Cineplex qui aurait retrouvé à peu près 85 % de l’assistance qu’on accueillait avant la pandémie, la fermeture temporaire des salles a incité des milliers de Canadiens à s’équiper d’un cinéma maison. En 2004, 17 % des foyers canadiens possédaient un cinéma-maison ou son équivalent. Aujourd’hui, la proportion atteindrait plus de 40 %. La moitié des amateurs qui fréquentent les salles le font surtout pour les effets spéciaux, les films d’action, de superhéros et de science-fiction. Comme ce n’est pas la tasse de thé des réalisateurs québécois, c’est à la maison qu’on regarde surtout leurs films.