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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Le choc post-traumatique de l’ex-députée Catherine Dorion

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Photo portrait de Karine Gagnon

Karine Gagnon

2023-11-11T10:00:00Z
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Dans un livre coup-de-poing où elle écorche tant les médias que les méthodes politiciennes, son ancien chef et son ancien parti, l’ex-députée solidaire de Taschereau, Catherine Dorion, raconte son dur passage en politique, duquel elle s’est extirpée avec un choc post-traumatique.

Après son départ de la «jungle politique», celle qui a siégé comme députée de Taschereau, de 2018 à 2022, a dû s’accorder une pause de six mois pour reprendre pied. Il lui fallait défaire le nœud d’émotions négatives qu’elle ressentait jusqu’à en faire des crises d’anxiété et à se faire vomir. 

Un psychologue l’a beaucoup aidée. «Il m’a dit: ce que tu décris, ce sont des symptômes de choc post-traumatique», raconte-t-elle lors d’un entretien qui s’est déroulé, par hasard, le jour où la CAQ a largué le tramway de Québec, nouvelle qui ne l'a pas étonnée mais déçue. Comme députée, elle s’est battue ardemment en faveur de ce projet, et contre le troisième lien. 

Aujourd’hui, l’ex-élue va beaucoup mieux. Elle a pris du temps pour elle et avec ses trois filles, dont la petite dernière. Née avec une malformation cardiaque, dans la dernière année de son mandat, celle-ci se porte très bien maintenant. 

Mais surtout, Catherine Dorion a écrit, autre forme de thérapie des plus efficace. «J’ai mis de l’ordre en moi, j’ai voulu prendre l’intensité de ce que j’avais vécu pour comprendre, analyser, prendre le temps.»

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Rapports difficiles avec GND

Tout y passe d’ailleurs, dans cet ouvrage intitulé Les têtes brûlées: carnets d’espoir punk, qui paraît lundi, chez Lux Éditeur. À travers ce travail d’écriture, l’ex-députée et artiste vide son sac sur ces années passées dans «la bulle» formatée du parlement, où se déroulent de longs rituels parlementaires trop souvent inutiles, considère-t-elle. 

Elle y raconte avoir souffert, beaucoup plus qu’on ne saurait l’imaginer. «J’avais besoin de libérer la parole, sans avoir peur», dira-t-elle souvent au cours de notre entretien, idée qui se trouve au cœur de son militantisme.

Ainsi, Catherine Dorion s’ouvre sur ses rapports difficiles avec le chef Gabriel Nadeau-Dubois, dont elle considère les méthodes comme contrôlantes et centralisatrices, les jeux de coulisse. Elle lui reproche d’avoir laissé le parti se couler dans le moule des vieux partis politiques. 

«Du fond de notre tranchée, une chose est maintenant claire: nous ne nous aimons pas beaucoup», écrit-elle à propos de celui qui n’appréciait guère ses manières et la visibilité dont elle jouissait. 

  • Écoutez la chronique de Karine Gagnon, chroniqueuse politique au JDM et JDQ via QUB radio :

Lors de l’adoption de la loi 21, par exemple, GND lui reproche sa publication d’une vidéo sur les réseaux sociaux. Il n’en est pas à son premier avertissement. «Tu as plus d’attention que les porte-parole, ce n’est pas normal», lui dit-il. «Comme on dit au théâtre: j’upstage. Ça ne se fait pas. Il faut que j’aie moins d’impact», raconte-t-elle.

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Son but, a tenu à souligner l’artiste, n’est pas de rentrer dans les jarrets de Gabriel Nadeau-Dubois. «Je crois à l’intelligence du lecteur, qui saura voir les nuances», clame-t-elle. Reste qu’elle n’a vraiment pas été impressionnée ni inspirée par son ancien chef.

Critique des médias

Catherine Dorion pose aussi un œil très sévère sur les médias, qu’on ne peut critiquer sans se faire rentrer dedans et démolir, statue-t-elle. 

Certains considèrent que l’attention médiatique l’a servie, d’autres lui reprochent d’avoir détourné l’attention de son parti. Elle rétorque qu’elle a voulu utiliser son savoir-faire d’artiste, comme le font les avocats et autres qui s’en vont en politique, pour dire des choses avec force, qu’elle n’entendait pas de la part des politiciens à l’Assemblée nationale. 

Sa bataille: combattre les inégalités et les dominations multiples, celles du monde du travail trop envahissant et du rythme de vie effréné de notre société. 

«J’ai jamais voulu penser que ce combat-là se ferait sur des trucs que je trouvais aussi banal que les vêtements, expose-t-elle. Je n’ai jamais voulu créer un mouvement national autour du linge. Je l’avais cru, quand on m’avait dit qu’il n’y avait pas vraiment de code vestimentaire pour les femmes en politique. Je viens d’un monde tellement ouvert.»

Photo Stevens LeBlanc
Photo Stevens LeBlanc

L’oiseau en cage

Lors d’une des dernières journées où Catherine Dorion a siégé au Parlement, un député caquiste avait déposé sur son bureau une citation de Stephen King. Elle résume bien, je trouve, le choc qu’a vécu l’artiste engagée avec la politique. 

«Certains oiseaux ne sont pas faits pour être mis en cage, c’est tout. Leurs plumes sont trop colorées, leur chant trop libre, trop beau. Alors on les laisse partir, ou bien ils s’envolent quand on ouvre la cage pour les nourrir. Une part de vous, celle qui savait au départ qu’il était mal de les emprisonner, se réjouit, mais l’endroit où vous vivez se retrouve après leur départ d’autant plus triste et vide.» 

Malgré tout, Catherine Dorion ne regrette pas son passage en politique, parce qu’elle a appris énormément. Elle y a certes laissé de la naïveté, pas toute, précise-t-elle, mais elle en sort grandie, et avec la conviction d’avoir fait de son mieux. 

L’artiste montera à nouveau sur les planches en février, pour une pièce sur la démocratie, sujet qui ne cessera jamais de la préoccuper.


  ► karine.gagnon@quebecormedia.com

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