Le Children retire les livres sur les cristaux de son établissement
Une ex-employée remettait des cristaux guérisseurs et un livre aux enfants cancéreux


Audrey Ruel-Manseau
Tous les exemplaires du livre sur les cristaux guérisseurs écrit par une ex-travailleuse sociale de l’Hôpital de Montréal pour enfants ont été retirés du Children, a assuré le centre hospitalier, qui a reconnu que la situation mise au jour par notre Bureau d’enquête était inacceptable.
«Ce n’est pas quelque chose qu’on va accepter. On a déjà enlevé les exemplaires du livre, tout ce qu’on a pu trouver», a déclaré Gilda Salomone, cheffe de service aux communications au Centre universitaire de santé McGill.

La semaine dernière, notre Bureau d’enquête révélait que la travailleuse sociale Lynda Blanchette avait introduit une pseudoscience basée sur les cristaux à l’Hôpital de Montréal pour enfants. Durant ses rencontres d’intervention avec les familles, l’employée de l’équipe multidisciplinaire du département d’hémato-oncologie remettait des pierres «guérisseuses» aux enfants cancéreux, comme l’aventurine, parce que, selon elle, les «qualités» de cette pierre permettent «d’alléger les nausées» de la chimiothérapie.
Elle donnait aussi le livre ésotérique Pierres d’Espoir sur les propriétés des cristaux, qu’elle a écrit avec l’approbation de l’hôpital et une bourse de la Fondation du Children. Le livre pour enfants véhicule de la désinformation scientifique.
«Le projet [de Lynda Blanchette] avait été accepté dans une perspective d’objet de réconfort et de transition, comme pour d’autres thérapies: la zoothérapie, la musicothérapie. Ce qu’elle a dit aux patients et ce qu’elle dit dans son livre, c’est une autre histoire», convient Mme Salomone, qui admet que nos découvertes «ouvrent les yeux».
Le livre a été retiré «pour éviter la perception que les traitements de réconfort qui sont offerts aux enfants sont des alternatives aux traitements médicaux», a ensuite précisé l’établissement par courriel.

Les thérapies de réconfort présentes dans les hôpitaux, comme la zoothérapie, sont généralement mises en œuvre par des bénévoles. Mme Blanchette a élaboré le programme de lithothérapie en tant que professionnelle de la santé, employée de l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Notre enquête a révélé qu’elle était en même temps impliquée dans une organisation dont la mission est de promouvoir la lithothérapie: l’Institut Mandala du Bouddha de la médecine (IMBM). Elle avait notamment suivi une formation de 130 heures sur les vertus thérapeutiques des pierres auprès de cette organisation, dont «la vocation est de promouvoir la lithothérapie par la publication de livres [...] et par diverses activités».
«C’est difficile de savoir ce que les gens font quand ils quittent leur travail à la fin de la journée», a réagi Mme Salomone, sans commenter davantage pour des raisons de «confidentialité».
Lynda Blanchette a pris sa retraite en 2019. L’Hôpital a assuré que le programme a pris fin avec son départ.
Ménage dans les boutiques-cadeaux
Notre visite au Children avait aussi permis de découvrir que des bracelets de lithothérapie et autres articles ésotériques étaient en vente à la boutique-cadeaux de l’établissement.

«Si les cristaux vendus par les commerçants sont présentés comme ayant des propriétés médicinales, nous allons demander leur retrait», a déclaré l’Hôpital, qui avait initialement répondu avant la publication de l’enquête que les produits vendus dans les boutiques étaient la responsabilité des franchisés qui les exploitent.
Les propriétés attribuées aux pierres relèvent d’une croyance ésotérique et n’ont jamais été scientifiquement démontrées, outre un effet placebo. Plus encore, les dérives de la pratique sont risquées, notamment chez les personnes vulnérables, comme l’a constaté notre Bureau d’enquête, qui a investigué durant un an sur le sujet pour la série documentaire Les dangers des cristaux guérisseurs, disponible sur Vrai.
- Visionnez la bande-annonce:
