Le chiffre de 2 G$ avancé pour la démolition du Stade olympique est basé sur une étude vieille de 20 ans
Le Parc olympique s’est contenté de réactualiser une étude qui remonte à 2003


Martin Jolicoeur
Deux milliards de dollars... Ou 222$ par Québécois, y compris les enfants! N’eût été la décision d’investir dans la construction d’un nouveau toit (pour 870 M$), c’est le prix qu’il aurait fallu payer pour s’offrir une fois pour toutes la destruction du Stade olympique, tant discutée.
Selon nos recherches, aucun autre stade n’a coûté aussi cher à démolir. Il y a bien eu le stade de football de Sydney, en Australie, détruit en 2019 pour 41,3 M$ (dollars d’aujourd’hui), ou encore le Yankee Stadium, démoli en 2010 pour 47,3 M$ (dollars d’aujourd’hui).
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Mais à notre connaissance, aucune autre démolition majeure, mis à part peut-être celle d’une centrale nucléaire de l’Oregon, pour 447 M$ (dollars d’aujourd’hui), ne s’est véritablement approchée des 2 G$ avancés par Québec pour justifier le lancement d’un nouveau cycle d’investissements majeur au Parc olympique.
- Écoutez Marwah Rizqy au micro de Richard Martineau via QUB :
Vieille de 15 ans
Mais en l’absence de données précises, difficile pour les experts de juger du sérieux des estimations avancées le 5 février par la ministre du Tourisme, Caroline Proulx.
Vérification faite: les 2 G$ avancés par Québec sont tirés d’une «analyse préliminaire» effectuée il y a plus de 20 ans (en 2003), puis actualisée par la suite en 2009. Les coûts obtenus de l’époque (entre 500 et 700 M$) furent récemment indexés au coût d’aujourd’hui pour s’approcher des 2 G$ avancés. Le résultat de cet exercice tient sur une seule page.

Le Journal a obtenu la confirmation qu’aucune autre étude n’a été commandée ou produite sur le sujet depuis 15 ans, soit depuis la dernière mise à jour produite pour la défunte Régie des installations olympiques (RIO) de 2009. Comment est-ce possible?
- Écoutez l'entrevue avec François Delaney, concepteur et président de Delaney technologies, via QUB :
La direction du Parc olympique (qui a remplacé la RIO) a refusé de nous accorder une entrevue. Par la voix de son porte-parole, l’organisme se défend en soutenant n’avoir jamais véritablement eu pour mandat du gouvernement de démolir le stade ni de pousser ses recherches davantage afin de connaître les fins détails de l'option de la démolition, laquelle n’avait – de toute manière – jamais été favorisée par Québec.
Pas optimale
Une situation qui surprend le professeur de l’UQAM et cotitulaire de la Chaire de gestion de projet, Alejandro Romero-Torres. Sans condamner l’absence d’étude plus récente, il affirme que la situation «n’est pas optimale».

Se baser sur des données du passé pour prendre des décisions actuelles n’est pas totalement inutile. Mais les bonnes pratiques en la matière commandent, dit-il, de ne jamais se priver d’évaluations de coûts récentes pour disposer de toutes les données nécessaires à la prise d’une bonne décision.
D’autant plus, ajoute-t-il, que les chances sont grandes que 20 ans plus tard, les méthodes de démolition aient changé et généralement avec pour effet de faire baisser les coûts.
Une étude bâclée?
La députée Marwah Rizqy, critique libérale en matière d’infrastructures, admet avoir eu la même surprise en recevant un tableau de quelques lignes, tenant sur une seule page, après avoir demandé l’étude des coûts de démolition à 2 G$, évoquée par la ministre Proulx la semaine précédente.
«Excusez-moi, mais ça manque de sérieux et de respect de la population. On serait minimalement en droit de s’attendre à ce qu’un gouvernement qui s’apprête à engranger de telles dépenses fasse mieux que de se contenter d’indexer les résultats d’une étude produite 20 ans plus tôt.»

La députée estime qu’«un tel raccourci méthodologique» des ministres Proulx et Jonatan Julien (Infrastructures) «est risible et indigne» de la fonction de parlementaire. «Je peux vous assurer que du temps que j’enseignais à l’université, si un élève m’avait remis un tel travail, je ne me serais pas gênée pour lui reprocher sa paresse intellectuelle.»
Opération délicate
Quoi qu’il en soit, pour le professeur en génies civil de Polytechnique Montréal, Bruno Massicotte, il ne fait nul doute que la démolition du Stade constituerait une «opération délicate», en raison principalement de la nature de l’ouvrage – le bâtiment étant composé en grande partie de béton précontraint – et de la proximité d’infrastructures environnantes à préserver (le stade Saputo, les salles de cinéma, le biodome, etc.)
Est-ce que 2 G$ est exagéré? Ce dernier ne saurait se prononcer avec précision, mais estime qu’une telle opération pourrait très bien dépasser le milliard et demi de dollars. «Les choses seraient différentes si le stade était au milieu de nulle part. Mais compte tenu de toutes les particularités auxquelles on a affaire (à commencer par une ligne et deux stations de métro au sous-sol), cela nécessite une démolition pièce par pièce qui pourrait s’étirer sur plusieurs années.»
-Avec la collaboration de Charles Mathieu, Yves Lévesque, Jean-Louis Fortin et Anouk Lebel.
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