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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Brésil: le centre éclaté et inexistant face au duel Lula-Bolsonaro

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AFP

2022-01-20T06:03:43Z
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Dans un Brésil extrêmement polarisé, rien ne semble pouvoir empêcher un duel de titans entre Lula et Jair Bolsonaro à la présidentielle d’octobre, les candidats du centre apparaissant incapables de séduire les foules ou de s’unir.

Selon le dernier sondage, mi-décembre, de l’institut Datafolha, l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui n’a pas encore annoncé officiellement sa candidature, arrive largement en tête, avec 48% des intentions de vote.

Le président sortant, Jair Bolsonaro, conserve sa deuxième place (22%), même si sa cote de popularité est au plus bas.

Quid des autres candidats? Même en faisant la somme des intentions de vote des trois poursuivants les mieux placés, l’ancien juge anticorruption Sergio Moro (centre droit, 9%), Ciro Gomes, troisième de la présidentielle de 2018 (centre gauche, 7%), et le gouverneur de Sao Paulo Joao Doria (centre droit, 4%), elle est inférieure au score du président d’extrême droite.

«Pour le moment, aucun candidat n’a le profil pour séduire les électeurs et devancer Lula ou Bolsonaro», dit à l’AFP Paulo Baia, professeur de Sciences Politiques et sociologue à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (UFRJ).

Électorat fidélisé

Pourtant, dans ce contexte si polarisé, les deux favoris suscitent également un fort rejet.

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«Beaucoup de gens ne veulent ni Lula ni Bolsonaro et attendent qu’un autre candidat se détache. Le problème, c’est que jusqu’à présent, aucun d’entre eux n’y est parvenu», estime Leandro Gabiati, analyste politique et directeur du cabinet de consultants Dominium.

Selon lui, les centristes ont un handicap de taille: «La clé de la présidentielle, c’est la sympathie que parvient à susciter un candidat», et des candidats comme Sergio Moro n’ont pas le même «charisme» que Lula ou Jair Bolsonaro.

Même si son image a été fortement écornée par les affaires de corruption Lula, «rappelle de bons souvenirs aux électeurs», avec ses deux mandats (2003-2010) marqués par un boom économique et d’ambitieux programmes sociaux, explique Paulo Baia.

Jair Bolsonaro, lui, parvient à «rester compétitif» malgré un contexte économique beaucoup moins florissant, avec une inflation galopante, et les critiques de sa gestion de la pandemie de COVID-19, qui a fait plus de 620 000 morts au Brésil.

«Il s’est rendu compte qu’en attaquant les institutions, les vaccins, les urnes électroniques, il parvient à fidéliser un noyau dur d’électeurs qui peut lui assurer 15 à 20% des voix», résume le professeur de l’UFRJ.

Un tiers d’indécis

Pour le moment, le mieux placé pour incarner une éventuelle «troisième» voie est Sergio Moro.

Novice en politique, cet ex-magistrat de 49 ans est l’ennemi juré de Lula, qu’il a condamné à la prison ferme pour corruption en 2017.

L’ancien président a passé 18 mois derrière les barreaux, pour être finalement libéré sur décision de la Cour suprême, qui a annulé ses condamnations, lui permettant de redevenir éligible. Un rude coup pour M. Moro, que la haute cour a jugé «partial» dans l’affaire Lula.

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Et l’ancien juge est loin d’être en odeur de sainteté dans le camp de Bolsonaro: ministre de la Justice de son gouvernement, il a démissionné avec fracas en avril 2020 et est depuis considéré comme un traître.

Enfin Joao Doria, lui, était allié de Jair Bolsonaro lors de sa campagne présidentielle en 2018, avant de devenir l’un de ses plus farouches opposants.

Ce chef d’entreprise au teint hâlé, qui a présenté la version brésilienne de «The Apprentice», émission de téléréalité animée par Donald Trump, a livré de nombreuses passes d’armes au chef de l’État au plus fort de la pandémie, s’élevant contre son discours anti-confinement et anti-vaccination. Mais il peine à dépasser les 5% dans les sondages.

Ciro Gomes, candidat bouillant qui rêve de recentrer la gauche, semble peu à même de rogner dans l’électorat de Lula et d’obtenir à nouveau le bon score de la présidentielle de 2018: troisième, avec 12,5% des suffrages.

L’hypothèse d’une union sacrée des centristes autour d’un candidat à même de se qualifier au second tour est jugée improbable par Leandro Gabiati, qui ne voit aucun d’entre eux «mettre ses ambitions de côté».

Mais il n’exclut pas de voir l’un d’entre eux faire une percée, quand la campagne électorale débutera, en août.

«Pour de nombreux Brésiliens, l’élection est encore lointaine, il reste beaucoup d’indécis», au moins un tiers de l’électorat selon les derniers sondages.

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